Parole cruelle dans son optimisme : car, à cette heure d’anémie, la France n’est point capable de soutenir dans le monde ses intérêts. Et l’on peut se dispenser de compter avec elle.
L’Angleterre elle-même n’est pas en état de faire front. Car, pendant trois années, elle s’est épuisée à réduire les républiques sud-africaines. Certes, sa défiance est éveillée : les deux programmes navals de 1897 et de 1900, leur préambule dirigé contre elle, les conflits de droit maritime pendant la guerre du Transvaal, le haut prix mis par l’Allemagne à sa neutralité, son attitude à Kiao-Tchéou et aux Samoa, ce sont là des griefs que le temps mûrira, mais qui ne peuvent germer encore. La mauvaise humeur de l’Angleterre ne se traduit, pour l’instant, que par la saisie de navires allemands, l’expulsion de sujets allemands établis dans l’Afrique du Sud, les attaques de M. Chamberlain contre l’armée allemande. Mais, officiellement, les deux gouvernemens se ménagent. Accueil chaleureux réservé à Berlin à Cecil Rhodes (1899) ; visite du prince de Galles chez l’Empereur et de l’Empereur chez la reine Victoria (1900) ; participation solennelle de Guillaume II aux funérailles de sa grand’mère (1902) ; honneurs rendus à lord Roberts (1902) ; refus de recevoir le président Kruger, tels sont les principaux symptômes de ces ménagemens mutuels. On essaie même de marcher d’accord. L’occupation de Wei-haï-Wei répond à celle de Kiao-Tchéou et est hautement approuvée en Allemagne (1898). En 1900, c’est l’accord relatif à la Chine, qui d’ailleurs, à peine conclu, est l’objet d’interprétations divergentes. En 1902, c’est l’action concertée au Venezuela, bientôt aussi impopulaire à Londres qu’à Berlin. Edouard VII, pendant la première année de son règne, doit gouverner au jour le jour. Il liquide le passé. L’heure n’est pas venue d’agir pour l’avenir, et le champ reste libre devant l’Allemagne[1].
Magnifique partie en vérité que celle de M. de Bülow ! Il peut négocier avec tous, parler à tous, être entendu de tous. L’Espagne,
- ↑ Son effort de séduction s’étend jusqu’au delà des mers. En dépit des difficultés douanières et des soupçons éveillés par la présence de l’escadre allemande aux Philippines pendant la guerre avec l’Espagne, l’intimité germano-américaine est de la part de l’Empereur si activement cultivée qu’elle semble peu à peu se resserrer. Les fréquentes communications entre Guillaume II d’une part, MM. Mac Kinley et Roosevelt de l’autre, le voyage du prince Henri de Prusse aux États-Unis (1901), la visite à Kiel de l’escadre américaine (1903) sont les principales manifestations de cette intimité.