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LE PRINCE DE BÜLOW.

sion. L’Empereur la refuse. Le chancelier reste à son poste.

Que penser, durant cette dernière période, de la politique allemande ? « Nous ne pouvons pas, a dit M. de Bülow, vivre des hostilités des autres[1]. » Et cependant, comment ne pas être frappé de la tendance dissociante qui se manifeste à tout instant dans les actes et dans les propos ? Considérez les déclarations impériales d’octobre 1908, si riches de conséquences dans l’ordre intérieur. N’est-ce point un essai de diviser la France, l’Angleterre et la Russie ? N’est-ce point une survivance de la vieille méthode bismarckienne, rebelle à l’équilibre, avide de suprématie ? L’Allemagne n’est aimable pour une puissance que contre une ou plusieurs autres, un jour contre le péril jaune, un autre contre les États-Unis, un troisième contre l’Angleterre. À la fin de 1908, le chancelier voit le péril. Au lendemain de l’interview du Daily Telegraph, il essaie d’atténuer. « Je dois supposer que tous les détails de ces conversations n’ont pas été rendus exactement… J’ai dit que beaucoup d’expressions étaient trop fortes… Je suis d’accord avec tout le Reichstag en admettant que le peuple allemand désire avec l’Angleterre des relations amicales et pacifiques fondées sur l’estime réciproque[2]. » Ce langage mesuré est devenu nécessaire, nécessaire au regard des partis, nécessaire au regard de l’Europe, pour qui se pose une question que l’Allemagne a redoutée toujours, et qu’elle redoute aujourd’hui plus que jamais en raison du conflit qu’elle crée entre ses intérêts et ses engagemens : la question d’Orient, réveillée par l’Autriche et bientôt généralisée.

Le 27 janvier 1908, le baron d’Ehrenthal a annoncé aux Délégations qu’il a demandé au Sultan et qu’il espère obtenir de lui à bref délai l’autorisation de pousser jusqu’à Mitrovitza le chemin de fer du Sandjak de Novi Bazar. C’est la fin de l’entente austro-russe de 1897 fondée sur le statu quo. La Russie riposte aussitôt par un nouveau programme de réformes macédoniennes. Mais avant que ces réformes puissent être exécutées, le problème change de face. Une révolution militaire établit en Turquie la Constitution (juillet 1908). Des élections sont annoncées qui s’étendront même aux provinces sur lesquelles le Sultan ne possède plus qu’une souveraineté théorique. Cette menace détermine l’Autriche à annexer la Bosnie et l’Herzégovine, la Bulgarie

  1. Reichstag, 30 avril 1907.
  2. Ibid., 10-11 novembre 1908.