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III

La Turquie est encore loin d’un pareil effort, bien qu’un système analogue d’éducation publique y ait été, depuis longtemps, introduit. A ne point y regarder de trop près, on pourrait affirmer qu’elle aussi, comme nos pays d’Europe, possède un enseignement moderne régulièrement organisé : écoles primaires et secondaires, écoles supérieures, écoles spéciales militaires, écoles d’ans et métiers. Mais la plupart de ces établissemens vivent d’une existence tellement chétive que c’est à peu près comme s’ils n’existaient pas.

Ce ne sont pas les Européens qui le disent, ce sont les Turcs eux-mêmes. Nous sommes bien forcés de les croire. D’abord, s’ils manifestent un tel dédain pour leurs écoles, ce n’est nullement pour le vain plaisir de dénigrer la pédagogie gouvernementale, c’est qu’ils désirent apprendre quelque chose et que sans doute ils constatent eux-mêmes qu’ils n’y ont rien appris. Ensuite, ces écoles nous sont fermées non moins jalousement que certaines mosquées particulièrement saintes et vénérées. Comment un Européen pourrait-il en juger directement ? A Constantinople, je n’osai même pas poser la question devant les autorités compétentes. On m’avait prévenu que toute demande de ma part serait infailliblement écartée. Je me contentai, en conséquence, d’admirer la façade de l’Ecole de médecine militaire, à Haydar-Pacha : c’est sans doute la plus imposante et la plus fastueuse de ces bâtisses scolaires. Les jeunes gens qui m’accompagnaient ne manquèrent point de vilipender l’enseignement qui s’y donnait alors et de dauber sur l’incapacité des professeurs. Sauf deux ou trois exceptions, ils n’en épargnèrent aucun. Tous, à les en croire, étaient des créatures du favoritisme le plus éhonté. Ces censeurs impitoyables sont-ils maintenant d’un autre avis ? Par un juste retour, leurs amis détiennent le pouvoir. Espérons que ceux-ci ont mis bon ordre à ce triste état de choses !...

Cependant, je pensais qu’ailleurs, en Syrie, loin du centre de l’Empire, dans une province où les rigueurs administratives ont une tendance à se relâcher, il me serait plus aisé de pénétrer dans une école ottomane. C’était une illusion ! A Beyrouth, je ne vis du collège turc que les murs ; et, quand j’arrivai à