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POÉSIES


À UN ARC DE TRIOMPHE


Porte de marbre blanc que gardent des cyprès,
Tu dresses, sur le haut de tes piliers carrés,
A peine sillonnés par de minces fissures,
Ton cintre inaltérable et noble, aux lignes sûres.
La cité dont tu fus la parure n’est plus
Que quelques pans de murs croulés sur des talus ;
Toi, tu gardes toujours, dans ta courbe aussi ferme.
Le morceau de ciel bleu que ton arche renferme
D’un trait pur que le temps n’a pas défiguré ;
Les étés, les hivers n’ont pas même altéré
Tes plus légers reliefs, ni tes arêtes vives,
Et le soleil, glissant sur tes lettres votives,
Les entoure d’une ombre aussi nette qu’au jour
Où le César lisait son nom sur leur contour.
Tous les hommes pour qui tu fus jadis dressée
Ont péri : multitude autour de toi pressée,
Triomphateurs hautains qui passaient sur leur char,
Vestales qui marchaient en baissant le regard,
Légions dont le pas résonnait sous ta voûte ;
L’immense majesté romaine s’est dissoute,
En laissant pour jamais le monde en désarroi.
Et, depuis ce temps-là, tu n’as autour de toi
Qu’une chute sans fin d’existences chétives.
Tombant presque sans bruit, ainsi que les olives
Qui jonchent ces coteaux recouverts d’oliviers,
Aux mois où les pressoirs reprennent leurs leviers.