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Quant aux espions, il y en aura toujours. L’espionnage l’ait partie de la préparation de la guerre et, bien qu’il s’exerce généralement par des hommes qui sont le rebut de l’humanité, aucune nation militaire ne s’en est jusqu’ici privée. A propos du dernier incident, des journaux se sont indignés contre l’espionnage et alarmés de ses conséquences possibles. Cette indignation marque quelque naïveté. Le principe, ici, est celui de l’ancien duel à l’américaine : garde-toi, je me garde. Il n’y en a pas d’autre, et le progrès du droit des gens changera peu de chose au fonctionnement d’une institution inavouable, inavouée, mais universellement utilisée. Quant aux conséquences de l’espionnage, elles sont probablement moins graves que ne le croit l’imagination populaire. La crainte qu’il inspire n’a pas toujours été chez nous le commencement de la sagesse, et, dans ses accès, elle a même eu plus d’une fois quelque chose de maladif. Mais s’il ne faut pas exagérer dans un sens, il ne faut pas non plus le faire dans l’autre. L’espionnage n’est pas inoffensif, et lorsque les journaux allemands affectent de rire des inquiétudes qu’il nous cause, leurs lourdes railleries ne sauraient nous endormir sur la réalité du danger. Conservons notre sang-froid, mais prenons nos précautions. Seulement, n’oublions pas que les meilleures seront celles que nous prendrons contre nous-mêmes, c’est-à-dire contre nos distractions et nos négligences. Le jour où elles seraient ce qu’elles doivent être, l’espionnage nous ferait peu de mal.


Les troubles qui ont agité la Grèce depuis quelques jours ont préoccupé l’Europe plus qu’ils ne l’ont surprise. La chute de M. Rhallys, qui n’a fait que passer au pouvoir, a été la conséquence logique de celle de M. Théotokis : on peut dire que les deux ministres sont morts du même mal, à savoir de la sédition militaire contre laquelle ils n’ont pas su quel parti prendre, ou n’ont pris qu’un parti tardif et se sont sentis finalement impuissans.

Au milieu d’autres incidens qui attiraient alors plus particulièrement notre attention, nous n’avons peut-être pas appelé assez celle de nos lecteurs sur les circonstances qui ont accompagné et déterminé la démission de M. Théotokis. Ce ministre avait dans la Chambre une majorité dévouée ; il s’était sagement conduit au cours de la crise extérieure qui avait exposé son pays à un danger de guerre ; il méritait certainement de la reconnaissance. Malheureusement, les services qu’il avait rendus, quelque grands qu’ils fussent, sont de ceux que l’histoire apprécie à leur valeur, mais que les peuples,