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femmes songent, accroupies dans leur robe brune et leur voile blanc, et une bande de bébés délicieux joue « au mariage. » Une petite fille de quatre ans trône, sur les marches d’une masure ; elle a des brins de paille en guise de fils d’argent dans les cheveux, et des rondelles de papier collées sur les joues. Autour d’elle, dansent, crient, et se bousculent, des mioches coiffés de fez, des gamines aux cheveux voilés, miniatures de musulmans ; l’aînée de tous, — neuf ans, — les surveille, tenant dans ses bras un nourrisson dont le bonnet couleur de cerise s’appuie à sa joue ambrée et qu’elle couve d’un regard velouté, tendre, déjà maternel.


13 Mai.

L’ex-sultan ne favorisait pas l’art dramatique. Avant la Constitution il n’y avait, à Constantinople, ni troupes organisées, ni répertoire original. Des compagnies italiennes ou françaises représentaient parfois des opéras ou des drames singulièrement retouchés par la censure et qu’un public européen n’eût pas écoutés sans surprise. Depuis la révolution de 1908, Grecs et Turcs, à l’envi, ont rêvé de remplacer les œuvres étrangères par des œuvres nationales, et les dramaturges ont poussé comme champignons.

Aujourd’hui même, on m’a présenté un Jeune-Turc, auteur d’un drame patriotique, Sultan Mourad, qui sera donné bientôt par le théâtre des Petits-Champs au bénéfice des blessés. Le même auteur prépare, m’a-t-il dit, une pièce destinée à une scène parisienne où l’on verra la vie intime et la vie féminine, dans leur vérité… Mais à Constantinople, ce sujet ferait scandale.

Ces tentatives me paraissent très intéressantes et révéleront peut-être des talens jeunes et sincères. En attendant que les auteurs du cru aient achevé les ouvrages entrepris, eh langue turque et en langue grecque, les théâtres jouent encore des pièces françaises, traduites et interprétées par des acteurs de Péra. Là est la grande nouveauté, l’intérêt passionnant du spectacle.

Hier, aux Variétés, nous avons retrouvé une bien vieille connaissance. Les caractères de l’affiche et du programme déconcertèrent un peu notre œil étonné. Μαμζ’λ Νιτους, que l’on prononce ici avec un zézayement puéril, c’était notre Mamz’elle Nitouche.