exemple, qu’on étudie aux Philippines les progrès accomplis depuis dix ans sous le régime des Etats-Unis, si admirablement organisé par le gouverneur Taft : on y trouvera la constante préoccupation de former les indigènes à se conduire eux-mêmes ; on les verra appelés peu à peu à contrôler par leurs élus l’administration des villes, des provinces, et enfin de l’Etat lui-même. Au temps de mon séjour dans l’Ouest, il y a dix-huit mois, la presse américaine rendait compte avec sympathie des premières élections parlementaires des Philippines, et elle enregistrait sans colère que la majorité des votes était allée aux partisans d’une indépendance immédiate. Or, ce contrôle des affaires publiques n’intéresse pas les Japonais des Etats-Unis, si ce n’est dans la mesure où elles touchent à leurs affaires privées. Et si l’on suppose qu’un jour ils y veuillent prendre part, ce sera pire encore ; ils y apporteront des idées, des préoccupations et des intérêts qui ne sont pas ceux des Américains. Devenus citoyens, par une hypothèse qui est encore loin de se réaliser puisque très peu d’entre eux semblent désirer ce titre et qu’on le leur refuse, devenus citoyens et fixés çà et là, comme ils y ont tendance, en des groupes compacts et fermés, ils constitueront, au cœur du pays, comme autant de forteresses d’un peuple étranger, odieuses en temps de paix, dangereuses en temps de guerre.
Et qu’on ne dise pas qu’en regard des 80 millions d’habitans que compte la République, leur nombre même, 140 000 peut-être, suffit pour qu’ils ne puissent nuire. Sans compter que cette petite colonie s’appuiera, dans ses difficultés, sur le grand Japon, elle ne laisse pas d’être en elle-même fort appréciable pour le peu d’années qu’elle a mis à se réunir ; et, d’autre part, ce n’est pas à la population totale des Etats-Unis qu’il convient de la comparer, mais à la population encore si peu dense de la Californie, de l’Orégon, du Washington, où les Jaunes se concentrent, et où ils ont, en somme, plus facile accès par mer que les Yankees de l’Est par voie continentale. Est-ce qu’aux îles Hawaï, cette position avancée et indispensable des Etats-Unis dans le grand Océan, refuge et halte nécessaire de la flotte en cas de guerre, les Japonais, à eux seuls, n’étaient pas en 1905 dans la proportion inquiétante de 31735 sur 48 229 habitans, alors que, dans ce total, ne figuraient pas plus de 1 006 Américains ? N’est-il pas, en réalité, formidable que les citoyens de l’Union y représentent 2 pour 100 de la population, et les sujets