se trouva, par une mauvaise fortune de plus, que ces amis, pour la plupart, étaient aussi ceux de Choiseul. C’était, en première ligne, le marquis de Vaudreuil, homme d’un âge déjà mûr, autoritaire et ambitieux, fort avant, disait-on, dans les bonnes grâces d’Yolande de Polignac, qu’il gouvernait d’une manière despotique, et c’étaient le comte d’Adhémar, aimable et fin, habile à plaire, insinuant et peu sûr, Breteuil, Coigny, le baron de Besenval qui, lié de date ancienne avec les Polignac, « ne manqua pas de fréquenter dans ce petit cénacle, dès qu’il en sentit l’importance[1], » enfin le comte de Guines, qui, fort de cet appui, rentrera prochainement en scène. Dans ce milieu de gens d’esprit, unis en apparence et se voyant presque quotidiennement, régnèrent pendant un temps « la confiance et la liberté. » Il semblait à la Reine qu’elle y respirait plus à l’aise. L’étiquette en était bannie. « Là, s’écriait-elle, je suis moi[2]. » Elle y passa bientôt la plus grande part de ses journées. Un des premiers effets de ce changement de vie fut d’éloigner peu à peu de la Cour ce qui naguère en faisait le décor. « Les gens âgés, s’y croyant déconsidérés, n’y parurent que rarement. » Mesdames, déjà très retirées, ne s’y montrèrent désormais plus du tout. « Les princesses du sang n’y allèrent que les jours de cérémonie, les dames titrées que pour l’exercice de leurs charges. » La reine de France, aux regards du public, passa pour « la prisonnière d’une coterie[3]. »
Une autre conséquence des habitudes nouvelles fut le redoublement de la « dissipation » et des plaisirs mondains. « Le goût de la parure, les recherches du luxe, les signes de la frivolité, firent un progrès rapide, note le comte de Saint-Priest, et la Reine, emportée par le flot plus que le dirigeant, s’y livra sans réflexion. Le Roi, naturellement disposé à la vie simple, retirée et économe, laissait couler ce torrent et n’empêchait rien. » De cette époque date la folie du jeu, qui passa promptement toute mesure. Les reines de France, jusqu’à ce jour, avaient laissé aux favorites le scandale de cet amusement, se bornant, pour leur compte, au « cavagnol, » plus tard au whist, jeux où l’argent ne tenait qu’une place accessoire. Il était réservé à Marie-Antoinette, soit chez elle, soit chez ses amis, d’inaugurer le lansquenet, le