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paupières lourdes de dromadaire. On songe à un chameau du temple, à je ne sais quel animal béat, qui ferait le service dans cette ménagerie sacrée ! Je n’exagère pas ! Autour de lui, les poules se battent, se disputent les miettes du pain bénit, jusqu’à un petit poussin qui sort de l’œuf et qui n’a qu’un léger duvet sur le dos. Les moineaux, les pigeons descendent de la coupole, voltigent d’un bout à l’autre de l’église, frôlent de leurs ailes les têtes des fidèles qui n’en ont cure. Cela devient un ramage de volière, un vacarme de basse-cour !

De nouveaux vagissemens couvrent le tumulte ! Une procession de bébés portés par des hommes et des femmes s’achemine vers le chœur dont la porte s’est rouverte. C’est, me dit-on, la communion des enfans malades ou récemment baptisés. Le prêtre se tient sur le seuil, élevant entre ses mains un gros verre à pied, un verre de cabaret, où plonge une cuiller d’étain. A tour de rôle, chaque poupon lui est présenté par son porteur, et l’excellent homme, les yeux mi-clos, avec des airs patelins de nourrice, entr’ouvre les bouches grimaçantes, du bout de sa cuiller, comme s’il donnait la becquée aux petits enfans.

Pendant ce temps-là, l’adolescent nasillard a recommencé à glapir ses chants arabes : il ne semble point disposé à quitter son pupitre de sitôt. Depuis qu’il y est attelé et que nous sommes là, il doit être des heures impossibles. Je me décide à gagner la porte, désespérant de voir la fin de cette cérémonie, dont je n’ai même pas pu voir le commencement.

Telle fut la messe que j’entendis, le jour de l’Ascension, dans l’église de Saint-Antoine et de Saint-Pacôme, — en pleine Thébaïde. J’en ai entendu ailleurs un grand nombre d’autres et dans tous les rites orientaux, à Constantinople, au Caire, à Beyrouth, à Jérusalem. Ce qui me frappait, spécialement chez les Coptes, c’est le caractère purement formaliste de ces cérémonies. Prêtres et assistans semblaient se désintéresser complètement du sens de leurs gestes ou de leurs paroles. Nulle tenue, nulle dignité même extérieure, rien qui fît allusion à la grandeur du mystère qu’ils étaient censés célébrer. Cette insignifiance, cette absence de vie spirituelle, cette raideur ankylosée des vieux hiératismes nous induisent à conclure que ces religions sont mortes, qu’elles n’ont aucune action sur leurs adeptes et que ceux-ci ne les conservent que par respect traditionnel. Ce serait une grave erreur. Dans notre Occident,