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avait pour auteurs deux jansénistes, dont l’un n’est rien moins que Pierre Nicole. Le grief que l’on y sent tenir le plus au cœur des rédacteurs contre les disciples de Bernières-Louvigny, c’est d’avoir provoqué en Normandie contre le Jansénisme, qui prospérait en cette province, une sorte de soulèvement populaire. Cette relation est reproduite avec éloge, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, par des livres jansénistes. Parmi les prélats à qui cet éclat fournit l’occasion d’intervenir officiellement, on en nomme un, François de Harlay, l’archevêque de Rouen, qui, précisément alors, était en coquetterie avec les Jansénistes[1]. Ce fut donc du Jansénisme que vint à la Compagnie du Saint-Sacrement le coup fatal d’où sa désorganisation suivit.

Ce coup n’était, du reste, qu’une réplique. L’hostilité que le Jansénisme témoigna, efficacement, à la Compagnie du Saint-Sacrement, en 1660, à une époque où il avait le vent en poupe, où les trois ministres Colbert, Lyonne et Le Tellier le favorisaient sous main[2], où commençaient pour lui les années, sinon tranquilles, du moins brillantes, d’une victoire temporaire, — cette hostilité, la Compagnie la lui avait témoignée de son côté dès longtemps, depuis leur origine, à peu près contemporaine, à tous les deux. De cette lutte, les preuves s’entr’aperçoivent, nombreuses, dans la Relation de Voyer d’Argenson, quelque soin qu’il prenne de les cacher. Le premier historien moderne de la Compagnie, M. Raoul Allier, a relevé sur le terrain de la charité des conflits bien caractéristiques, et les documens nouveaux par lesquels peu à peu s’illumine l’histoire de la mystérieuse Compagnie nous apportent, sur ce côté fort peu connu des grandes luttes religieuses du XVIIe siècle, de nouvelles précisions. Sans refaire ici l’histoire de la guerre, qui fut quelque temps clandestine et sournoise, entre la Compagnie et Port-Royal, bornons-nous à indiquer la cause qui animait, l’un contre l’autre, d’une animosité destructrice, ces deux groupes catholiques.

Et d’abord, faut-il croire que si la Compagnie du Saint-Sacrement combattit si violemment les Jansénistes, c’est que les

  1. Le second, — et le principal, — auteur de la Relation de l’Ermitage, Pierre du Four, abbé d’Aulnay, avait été curé de Saint-Maclou de Rouen et grand-vicaire de l’archevêque. Il est plusieurs fois question de la Compagnie dans les si intéressans Mémoires du chanoine Hermant, publiés par M. Gazier, notamment, au t. IV, p. 392 et suivantes.
  2. Le P. Rapin, Mémoires, t. III, p. 193 et passim.