Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des régions où elles ont mutuellement reconnu la supériorité de leurs intérêts respectifs ; mais les puissances qui ont signé l’Acte d’Algésiras y sont étrangères, et cela ne les a pas empêchées de répondre comme nous à la note chérifienne. Il n’est peut-être pas sans importance de dire, étant donné les conséquences que l’on cherche déjà à tirer dans certains journaux du fait que la France et l’Espagne se sont reconnues des intérêts spéciaux dans des zones différentes, que les arrangemens pris à ce sujet, en admettant qu’ils lient encore l’Espagne et la France, ne lient qu’elles et nullement les signataires de l’Acte d’Algésiras. Il ne faut pas oublier non plus que l’Espagne et nous avons été au nombre de ces signataires et que nous avons dès lors contracté de nouvelles obligations qui ne laissent subsister des anciennes que ce qui n’y est pas contraire. Mais rien, à coup sûr, ni dans ses arrangemens secrets avec nous, ni dans sa participation à l’Acte public d’Algésiras, ne pouvait gêner à un degré quelconque l’Espagne dans l’œuvre qu’elle a entreprise à Melilla. Aucune convention internationale ne saurait empêcher une puissance de défendre au dehors la sécurité de ses possessions et la vie de ses nationaux. L’Espagne n’a pas fait autre chose au Maroc.

Pourtant, à mesure que ces opérations se prolongeaient et se développaient, une sorte d’inquiétude s’est produite, chez les uns sur ses intentions véritables, chez les autres sur les entraînemens, irrésistibles à les en croire, qui la feraient aller très au-delà de ces intentions. Ces inquiétudes, nous l’avons dit, se sont surtout produites en France et en Allemagne : partout ailleurs, si elles ont existé, elles ont eu un caractère plus discret. Pendant quelques jours un petit nombre de journaux français, — gardons-nous de généraliser, — se sont mis à parler presque comme les journaux allemands. Les uns et les autres ont manifesté leur mauvaise humeur ou leurs craintes au sujet de l’expédition espagnole et des développemens qu’elle pouvait prendre. Il y avait là, chez nous, un singulier oubli d’un passé qui pourtant est d’hier : ceux de nos journaux auxquels nous faisons allusion auraient dû s’arrêter d’eux-mêmes quand ils ont vu avec qui ils faisaient chorus. Ils se sont arrêtés, en effet, mais pour tenir un langage nouveau dont le premier n’était sans doute qu’une préparation : ils ont dit que, puisque l’Espagne allait de l’avant, nous devions suivre son exemple et nous mettre nous aussi en campagne. Il n’y avait même pas un moment à perdre, car, à les en croire, l’Espagne marchait à pas de géant ; elle menaçait déjà Taza, Tetouan, Larache ; on ne savait pas encore de quel côté elle porterait son action principale ; peut-être