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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/108

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des gens de loi, procureurs, notaires et clercs. Aussi se reprend-il, explique-t-il, distingue-t-il. « Et toutefois les juges, avocats, médecins, et professeurs de sciences libérales ne dérogent point à la noblesse qu’ils ont d’ailleurs, encore qu’ils gagnent leur vie par le moyen de leur estât : pour ce que (outre qu’il procède du travail de l’esprit, et non de l’ouvrage des mains) est plutôt honoraire que mercenaire. » Peu à peu se précise ce qui fait déroger : c’est le métier manuel, et plus encore, le gain, le salaire, surtout en ce qu’il marque une dépendance : « Le labourage ne déroge point à la noblesse, non pas, comme on estime communément, à cause de l’utilité d’iceluy ; mais d’autant que nul exercice que fait le gentilhomme pour soy et sans tirer d’argent d’autruy, n’est- dérogeant. »

A la suite de la noblesse, seigneurs et simples gentilshommes, marche le Tiers-Etat, qui, selon Loyscau, « n’est pas vray ordre, n’estoit mis en compte en l’ancienne Gaule, ni en ce royaume anciennement ; » la bourgeoisie, qui « ne comprend pas tous les habitans des villes ; bourgeoisie ne signifie que les habitans des villes privilégiées. » Quelle peine se donne notre auteur pour mettre, dans le Tiers-Etat ou la bourgeoisie, chacun à son rang et assigner à chacun sa place dans la procession ! En tête viennent les « quatre facilitez de gens de lettres, » — et l’on peut en être surpris ! — puis les avocats, plaidans et jurisconsultes, consultans ou conseillers, puis les financiers, les « praticiens de longue et courte robe, » les procureurs ; et puis, — voici notre affaire, — les marchands, les laboureurs, les artisans ou gens de métier ; et, pour finir, les gens de bras, au-dessous desquels il n’y a plus que les mendians.

Les marchands ont une situation à part, intermédiaire, au centre du Tiers-Etat, au cœur de la bourgeoisie, entre ce qui est vil et ce qui ne l’est pas, moins loin, paraît-il, de ce qui ne l’est pas que de ce qui l’est : « Après les principaux praticiens suivent les marchands, tant pour l’utilité, même nécessité publique du commerce… que pour l’opulence ordinaire des marchands, qui leur apporte du crédit et du respect, joint que le moyen qu’ils ont d’employer les artisans et gens de bras leur attribue beaucoup de pouvoir dans les villes : aussi les marchands sont les derniers du peuple qui portent qualité d’honneur, étant qualifiez d’honorables hommes, ou honnestes personnes, et bourgeois des villes : qualitez qui ne sont attribuées ny aux laboureurs, ny aux sergens, ny aux