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MICHEL DE BOURGES

Voici un livre qui arrive bien. Il arrive quand l’attention avait été ramenée à Michel de Bourges, bien oublié, par le charmant ouvrage de M. Doumic sur George Sand. Il avait reparu devant nos yeux, le fameux « Everard, » le quadragénaire de 1836, petit, grêlé, voûté, myope, porte-lunettes, à triple crâne chauve, toujours coiffé de trois madras, vêtu d’une grosse houpelande informe, chaussé de sabots, à qui George Sand écrivait : « Je suis fatiguée d’une nuit de travail ; j’ai faim ; j’ai froid. Eh bien ! parais, mon amant, et, ranimée comme la terre au retour du soleil de mai, je jetterai mon suaire de glace et je tressaillerai (sic) d’amour et je te semblerai belle et jeune, parce que je bondirai de joie dans tes bras de fer. Viens, viens, et j’aurai de la force, de la santé, de la jeunesse, de la gaîté, de l’espérance. J’irai à ta rencontre comme l’épouse du Cantique des Cantiques au-devant de son Bien-Aimé… »

On n’eût pas été fâché de savoir ce qu’était au juste ce bien-aimé, illustre du reste et dont tous nos pères ont célébré l’éloquence, ce Girondin mal vêtu, mais dont le nom sonnait haut, en 1848, à l’égal de ceux de Ledru-Rollin et de Lamartine.

Ce vœu est exaucé, juste au moment où il était conçu et un moment avant d’être oublié. M. Louis Martin, député du Var, avocat, a pieusement réuni les Plaidoyers et Discours de l’illustre tribun, les a accompagnés d’une introduction précise, essentielle, et le plus souvent judicieuse, et il nous offre le tout dans un volume qui, assez gros pour cela, du reste, incontestablement a comblé, non seulement un vœu, mais une lacune.