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devenu le chef de la Montagne. Il parla dans l’affaire des poursuites contre sept représentans de l’extrême gauche accusés de complot, dans l’affaire de la modification de la loi électorale (restriction du suffrage universel), dans l’affaire de la révision de la Constitution (contre les projets du prince Louis), dans l’affaire de la proposition des Questeurs.

Dans cette dernière affaire, ni la Gauche ni lui ne me paraissent, toutes réflexions faites, avoir été très bien inspirés. On se rappelle peut-être ce dont il s’agissait. Le coup d’Etat était dans l’air. Personne ne doutait qu’il ne fût préparé et imminent. Voulant se défendre, l’Assemblée, surtout la Droite, proposa, par l’organe des Questeurs, une loi permettant au Président de l’Assemblée, en cas d’alerte, de requérir la force armée. La Gauche s’opposa à ce projet. Michel de Bourges parla. Il ne dit rien du tout, M. Louis Martin lui-même le reconnaît : il ne fit valoir aucun argument. Il affirma seulement qu’il n’y avait pas de danger ; que l’armée était à lui et à ses amis (« l’armée est à nous ; ») qu’il défiait un général de la Droite de venir à l’Assemblée en faveur de la Droite ; qu’il s’en remettait à la « sentinelle invisible » qui gardait l’assemblée et qui était le peuple. La proposition fut repoussée par 408 voix, qui étaient celles de la Gauche et celles des hommes du Contre, inclinant déjà soit à ne pas se compromettre, soit à se mettre du côté du manche. C’était le coup d’Etat qui était voté. Il l’a été par le Centre et par la Gauche.

M. Louis Martin cherche à disculper la Gauche et Michel de Bourges. Il fait remarquer que pour ceux qui savent les choses, on était entre deux coups d’Etat. Le prince Louis voulait faire le sien. La Droite voulait faire le sien. Elle voulait mettre la force armée aux mains du général Changarnier. La Gauche et le Centre ont sauvé la France du coup d’Etat du général Changarnier.

Il est possible ; mais il est sûr qu’ils ont prêté la main à celui du prince Louis. Or des deux coups d’Etat, à supposer qu’en effet il y en eût deux qui fussent prêts, lequel était le moins redoutable ? Celui, sans doute, auquel ne se serait pas prêtée l’armée ; et celui auquel l’armée ne se serait pas prêtée, c’était, ce me semble, celui de la Droite et de son général. Au 17 novembre, craindre plus Changarnier que le prince Louis me paraît bizarre.

Mais, fait observer M. Louis Martin, permettre de requérir