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l’esprit de Montesquieu. Montesquieu commence par dire que la vertu est le principe des Républiques ; puis, définissant ce mot de vertu, il dit que « la vertu, dans une république, est l’amour de la république » et que « l’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie et l’amour de la démocratie celui de l’égalité. » Comme citateur, c’est Michel de Bourges qui a raison.

Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’il ne « sent pas du tout son temps » ; c’est qu’il n’a rien, nulle part, de la couleur romantique, encore qu’il ait été comme gorgé de littérature romantique par les lettres que lui écrivait George Sand ; jamais on ne surprend rien chez lui de la manière de Victor Hugo (sauf une seule fois, sur quoi nous aurons à revenir ; car cela fait un petit problème), de Lamartine ou de Lamennais. Il semble, et il est possible que ce soit vrai, qu’il n’ait jamais lu un ouvrage de tous ces auteurs-là. Ce que son éloquence rappelle, c’est celle des orateurs révolutionnaires, Mirabeau, Barnave, Saint-Just et Robespierre et son style même ressemble au leur ; et bien qu’il ne les ait jamais cités, sauf, une fois, Mirabeau, je ne doute pas qu’il ne les ait fréquentés. Il est vrai, faisons-y bien attention, que l’éloquence des orateurs parlementaires de la Restauration (Manuel, général Foy) était calquée sur celle des orateurs révolutionnaires et que c’est à l’école des orateurs de la Restauration que Michel de Bourges a été élevé. — Quoi qu’il en soit, voilà tout ce que je puis conjecturer sur l’éducation intellectuelle et littéraire de Michel de Bourges.

Les idées de Michel de Bourges ne sont pas extrêmement compliquées. Chose qui surprendra un peu ceux qui ne voient Michel que comme chef de la Montagne de 1849, « ce Sinaï de la démence, » elles sont (relativement) assez modérées. Ce sont celles d’un radical-socialiste d’aujourd’hui et d’un radical-socialiste très circonspect. Un radical-socialiste est un homme qui n’est pas socialiste radical. Michel est, non seulement un socialiste modéré, mais un radical-socialiste plein de tempéramens. Il s’arrête au seuil du socialisme en y posant la moitié du pied. Voici le fragment de discours où il a le plus précisément tracé son programme (Banquet démocratique du Cher, 21 septembre 1849) :

« Serons-nous plus heureux que nos pères ? J’affirme que, si nous le voulons, nous établirons une République démocratique