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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/150

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affirmation, sans aller au fond des choses ; on ne cherche qu’à produire un effet sur l’auditoire.

Pour résoudre la question litigieuse, d’après les règles du droit, il faut : 1° préciser l’espèce ; 2° étudier les textes qui sont en vigueur en France.

Il s’agit d’inscrits maritimes liés à l’armateur par un engagement contracté d’après les principes du Code de commerce et les règles administratives et qui, brusquement et sans préavis, rompent cet engagement, en quittant le navire sur lequel ils étaient embarqués, au moment même où il allait prendre la mer. Or il existe, dans la législation française, un texte qui considère comme déserteurs les gens de mer engagés qui laissent partir le navire sans rejoindre le bord ou s’absentent sans permission trois fois vingt-quatre heures de leur navire ou du poste où ils ont été placés.

Ce texte n’est pas, comme on l’a dit à la tribune de la Chambre, un texte suranné qui remonte à la sombre époque du Second Empire. C’est un texte rajeuni en tout cas par le législateur de 1898 qui, tout en maintenant dans leur ensemble les principes posés par le décret de 1852, les a mis en harmonie avec les idées actuelles et a adouci certaines de ces dispositions au point de vue répressif. C’est, par suite d’une flagrante inexactitude qu’il a été dit que la loi pénale atteignait seulement le marin déserteur à l’étranger et hors d’un port de France.

Il y a dans la loi du 15 avril 1898 deux articles visant des situations distinctes. L’article 65 prévoit le cas de gens de mer qui, dans un port de France, s’absentent sans permission pendant trois fois vingt-quatre heures de leur navire et du poste où ils ont été placés. L’article 66 prévoit le cas de marins qui abandonnent leur navire et leur poste à l’étranger et leur applique des peines plus sévères. Le fait individuel de l’inscrit maritime qui, étant engagé, quitte son navire et, l’ayant quitté, ne le rejoint pas en temps utile, est donc un fait illicite et réprimé par une loi pénale récente, postérieure de quatorze ans à la loi de 1884, qu’on considère comme ayant consacré le droit de grève.

En réclamant l’application des lois existantes, les armateurs ne demandent nullement, comme on l’a prétendu, le maintien des inscrits maritimes en état de sujétion et de servage. Le droit de grève est une chose, l’exercice abusif et illicite de ce