Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Sacrement et dans les chroniques politiques de la Fronde, les deux tiers sont des noms du parti anti-mazarin. Or, en dépit des arguties des Frondeurs, — parlementaires ou partisans des princes, prétendant à l’envi qu’ils étaient les meilleurs, les seuls serviteurs du Roi, — le nom d’anti-mazarin signifiait bien antiroyaliste.

D’ailleurs, en admettant même, comme le veut d’Argenson, que la Compagnie, — dont le ministère ne devait pas tarder à découvrir plus clairement la clandestinité obstinée, — ne pût pas être compromise par ce hasard, pourtant singulier, que tant de ses adhérens, mêlés à l’action pendant la Fronde, y travaillaient invariablement dans un sens contraire à celui de la « Cour, » il y avait quelque chose de plus précis et de plus grave : c’était l’attitude, durant ces années de la Fronde, de deux au moins des hommes qui furent deux de ses chefs ou de ses instrumens les plus puissans, je veux dire saint Vincent de Paul et Jean-Jacques Olier[1].

L’un et l’autre, il faut bien le dire, furent des Frondeurs en soutane qui, s’ils firent moins de bruit que les Frondeurs de robe ou d’épée, firent, pacifiquement, au moins autant de besogne.

Saint Vincent de Paul, dès le temps des Barricades, entre en scène. Le 14 janvier 1649, le voici partant pour Saint-Germain, afin, écrit-il à l’un de ses confrères, dans son style coutumier de dévote bonhomie, « de rendre quelque petit service à Dieu. » Ce petit service, c’est, tout simplement, « de presser la Régente de se séparer de Mazarin… » Et dans cette démarche franchement hostile au Cardinal, M. Vincent s’engage si à fond que, comme elle échoua, — « mes péchés, écrit M. Vincent, m’ont rendu indigne de réussir, » — le négociateur malheureux dut partir en hâte pour une tournée de visite, dont il découvrit tout à coup l’opportunité, à travers les maisons provinciales de sa Congrégation de missionnaires. Qui sait si, alors, sans l’amitié de la Régente, M. Vincent n’aurait pas été incarcéré comme un Broussel ou comme un Longueville ?

Cet échec le décourage-t-il pourtant d’intervenir dans la politique ? Nullement. En 1652, il redevient diplomate et, cette fois, plus fin diplomate. Fondé de pouvoirs du Duc d’Orléans auprès

  1. Voyez spécialement l’abbé Maynard, Saint Vincent de Paul, 1860, 4 vol. et les Lettres du saint publiées en 1880, 4 vol. ; Faillon, Vie de M. Olier, 4e éd., 1813, et les Lettres de M. Olier publiées en 1885.