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de la vieille Faculté parisienne répugnent à donner au gouvernement des consultations contraires aux prérogatives du Saint-Siège, quels sont ceux qui prennent l’initiative de cette opposition ? C’est M. Vincent de Meur, — membre probable, — ce sont MM. Grandin, Abelly, l’abbé Bossuet, — membres certains de la Compagnie, — ce sont MM. d’Albon et de la Mothe-Fénelon « et quelques autres que l’on connaît trop, » et que la police de Colbert et de Lyonne leur dénonce. C’est donc, encore, la « Cabale des Dévots ! » Ainsi, à tous les torts qu’elle s’était donnés, la Compagnie du Saint-Sacrement ajoutait le délit d’anti-gallicanisme[1] ; ainsi, quand le gouvernement s’irritait des menées « ultramontaines, » c’était la petite troupe obscure de ces « particuliers dévots » à laquelle il se butait, comme partout où des obstacles le gênaient.

Si donc, en 1665, Colbert obtient de Louis XIV de reprendre contre la Compagnie du Saint-Sacrement des poursuites qui, cette fois, la décidèrent à se dissoudre, n’est-ce pas que Colbert pensait, à son tour, comme Mazarin, que c’était là l’assemblée centrale de ces « dévots » « qui n’ont pas accoutumé d’être, » en rien, « favorables aux intentions de Sa Majesté, » qui, en tout, contrecarrent ce que veulent tous « les bons Français et véritables sujets du Roi : » en somme un nid de « factieux ? »

« Factieux, » ce mot de Colbert est bien gros, sans doute, comme celui de « Ligue » que Mazarin prononçait tout à l’heure. Et il ne convient pas d’exagérer le rôle que put jouer, dans la coulisse de l’histoire politique du XVIIe siècle, notre Compagnie, acteur dissimulé et, jusqu’à ces derniers temps, inaperçu. La multiplicité de ses établissemens, comme la présence, dans son sein, de membres nombreux de la noblesse, s’expliquent surabondamment par ses beaux desseins charitables, et de supposer ici une dernière conspiration de la féodalité, cela serait un peu ridicule. Mazarin et Colbert, quand ils ont découvert la Compagnie du Saint-Sacrement et son secret, ont vu les choses avec les yeux apeurés des gouvernans de l’ancien régime, pour qui tous groupemens, toute communauté d’idées et d’action, toute « correspondance » était un danger qu’il fallait étouffer au plus vite. De plus, comme on l’a remarqué[2], nos « dévots »

  1. On se rappelle (voyez la Revue, du 15 octobre, p. 900) que Guy Patin accusait la Compagnie de préparer le rétablissement de l’Inquisition en France.
  2. Ch. Boudhors, article cité.