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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/363

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The convert, l’un des récits qui composent The Ghetto comedies ; il y a touché avec une vigueur de pinceau que nos maîtres réalistes n’auraient pas désavoué, mais avec cette délicatesse et cette grâce qui ne l’abandonne jamais lorsqu’il met une femme en scène.

Dans The Children of the Ghetto, nous assistons à l’acclimatation des pauvres émigrans. Les enfans vont à l’école où ils apprennent à parler l’anglais, mais les adultes restent fidèles, au moins lorsqu’ils causent entre eux, à cette langue qui leur est propre et qui est un lien de plus pour tous les membres de cette race dispersée, ce Yédisch qui est une sorte de patois mélangé de mauvais allemand et d’hébreu corrompu. Ils y ajoutent quelques lambeaux d’anglais incorrect, dont ils ont besoin pour leurs relations d’affaires avec les Gentils. Une phrase qu’on entend souvent dans le ghetto de M. Zangwill est celle-ci : « Nous ne sommes pas en Pologne ! » Mais reviendrait-elle aussi souvent si la vieille patrie n’était pas encore présente à l’esprit de beaucoup d’entre eux, si les idées et les mœurs de là-bas n’adhéraient pas à leur être moral en vertu d’une habitude que le sentiment religieux consacre et fortifie ? En apparence, ils conforment leur existence à cette loi anglaise sous la protection de laquelle ils sont venus vivre, mais, en réalité, c’est la loi mosaïque qui gouverne tous leurs actes et, — pourrait-on dire, — tous leurs gestes. A les entendre, vous croiriez qu’ils viennent de s’échapper non de l’Empire des tsars, mais du royaume des Pharaons ou que ces trois mille ans ont passé sur l’âme juive sans l’entamer, sans l’effleurer. Nous voyons les habitans du ghetto naître, grandir, se marier, se démarier, mourir, sous la tutelle, à la fois paternelle et oppressive, de cette loi religieuse qui, pour eux, est aussi une loi civile, au milieu des observances minutieuses et innombrables qui font un péché de prier avec la tête découverte ou de manger le poisson frit avant qu’il soit refroidi ou, encore, qui identifient l’orthodoxie avec certaine boucle de cheveux pendant sur l’oreille et avec la perruque noire des vieilles femmes.

Le Ghetto a son aristocratie, des classes qui se superposent les unes aux autres, se jalousent et se déprécient, et ne se réunissent que contre l’ennemi commun, c’est-à-dire contre l’infidèle, contre le gentil. Souvent une même maison contiendra toute cette hiérarchie juive. Au rez-de-chaussée, le marchand