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ramenait les moines dans le cloître, maintenant les expulsé. Les exécuteurs de ses volontés seront ces humbles officiers municipaux de village, hier encore serviteurs obscurs et tremblans du redoutable monastère, maintenant tout fiers, tout étonnés d’y entrer en maîtres et de parler haut. Disons-le cependant, le plus souvent ils remplirent leur mission avec une parfaite convenance. Ils n’étaient point hostiles à l’Eglise, ni à la religion. On en vit même se rendre tout d’abord à la chapelle du monastère avant toute opération, et commencer par une prière commune une mission qui était pourtant destructive.

Aucune municipalité, quelles que fussent les convictions de ses membres, ne songea à décliner les ordres de l’Assemblée nationale. Fait plus extraordinaire, presque aucun couvent d’hommes et de femmes, tant était intangible un ordre de la Constituante, ne pensa à fermer ses portes, ni à opposer une fin de non-recevoir à ses indiscrets visiteurs. L’attitude clos Bénédictins des Blancs-Manteaux, à Paris, où dom Deforis, dom Brial protestent et font des réserves expresses, celle plus énergique encore des Carmes des Billettes, qui forcent les commissaires à enfoncer la sacristie, sont des exceptions extrêmement rares. Les enquêteurs demandent l’état des lieux, des biens, des revenus et charges de toute sorte. Les supérieurs apportent les livres, ouvrent leurs archives et produisent au grand jour une situation qu’ils avaient tenu de tout temps à envelopper de mystère. Il y a plus ; du temporel on passe au spirituel. Les interrogateurs, après avoir compté les rentes et mesuré les arpens de terre, veulent connaître l’état des âmes et dresser le bilan moral des monastères. On a forcé les barrières de la clôture ; on va franchir celle des consciences. Chaque religieux, chaque religieuse, sera interpellé sur ses sentimens les plus intimes, sur sa vocation, sur ses dispositions à y rester fidèle ou à l’abandonner. Les interrogés ne songent guère à qualifier cette intrusion d’insupportable. Presque aucun supérieur d’ordre n’intervient pour tracer une ligne de conduite, pour donner un mot d’ordre général de résistance ou de soumission. A peu près partout, c’est la soumission. Toutes les questions vont être posées et toutes obtiendront des réponses précises.

Suivons donc les municipalités dans leur enquête sur toutes les maisons religieuses des deux sexes. Aussi bien, les procès-verbaux de ces visites, conservés aux Archives nationales,