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La cause des Dominicains était plus difficile à défendre auprès de la Constituante que celle des Capucins amis du peuple. Leurs constitutions libérales n’avaient point fait oublier leur ancien rôle d’inquisiteurs, dont ils se faisaient encore attribuer par le Roi le titre purement nominal, mais appointé, pour les deux provinces de Toulouse et de Carcassonne. Créés pour la parole, les Frères prêcheurs n’avaient fourni depuis longtemps aucun orateur illustre à la chaire chrétienne. Le renom de leurs théologiens ne dépassait guère l’enceinte de l’école ; et de ce couvent de Saint-Jacques qui avait abrité dans ses murs Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, ne sortaient plus que des maîtres sans éclat, enfermés dans une tradition routinière et mal armés pour combattre les assaillans qui envahissaient l’Eglise. Constatation non moins grave, le relâchement, la mondanité avaient envahi les couvens de l’ordre. Des trois maisons qu’il avait à Paris, rue Saint-Jacques, rue Saint-Honoré et rue du Bac, cette dernière tenue en mains par le Père Général avait gardé une ferveur admirable ; mais les autres étaient très relâchées.

Un mémoire nous décrit les « cheveux longs et frisés, les culottes de maroquin, les souliers bronzés, les manchettes, aumusses, le mépris des observances régulières, » qui s’étaient introduits au couvent de Saint-Jacques, abus d’autant plus dangereux que dans cet établissement accourait pour se former la jeunesse fournie par la province. Cependant, quand sonna la Révolution, le Père Faitot venait d’exercer dans cette maison une influence heureuse. Le couvent de la rue Saint-Honoré, qui devait abriter le fameux club des Jacobins, était aussi en décadence, au point que l’archevêque de Paris, M. de Juigné, avait refusé, faute de confiance, dans une lettre sévère, de donner des pouvoirs au nouveau supérieur, le Père Grandjean. Des dissensions intestines aggravaient le mal qui était un peu partout. De 1770 à 1790, l’ordre avait perdu en France près du tiers de ses sujets. Il ne se recrutait plus.

A la Révolution, qui se lèvera pour le défendre ? Tout n’est pas perdu. Les religieux du couvent de la rue du Bac viennent unanimement de déclarer aux enquêteurs leur volonté de continuer la vie commune. A Saint-Jacques, pendant que les Pères conventuels se taisent, la jeunesse, qui a comme un privilège d’âge de ne douter de rien, va parler à l’Assemblée nationale