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croyances. La solution, si elle était possible, — malheureusement elle ne l’est pas, — serait d’avoir dans toutes les communes, ou dans tous les groupes de population importans, une école laïque et une école libre : alors, chacun serait libre d’envoyer ses enfans où il voudrait.

Les évêques, au cours de la partie doctrinale de leur Lettre, ont dit que l’Église condamnait l’école laïque et neutre dans son principe. C’est le droit de l’Église de penser ainsi, et c’est celui des évêques de le dire. M. Briand, dans un discours récent qu’il a prononcé à l’inauguration d’un nouvel hôtel de la Ligue de l’enseignement, s’est exprimé comme il suit : « L’école laïque est la pierre d’assise des institutions républicaines… C’est par l’école que se forme l’esprit républicain, que se forment les citoyens, les femmes de notre démocratie. C’est là l’espoir, la sécurité de l’avenir. Si nos adversaires arrivaient à affaiblir l’école, c’est la République elle-même qui serait affaiblie. » Après cela, comment pourrait-on reprocher aux évêques d’avoir dit de leur côté : « La construction d’une école catholique est aussi nécessaire que celle d’une église. Il importe peu d’avoir des églises quand elles restent vides, et les nôtres ne tarderaient pas à se vider si les écoles d’où l’enseignement religieux est banni continuaient à se remplir ? » En conséquence, les évêques affirment que les pères de famille catholiques ont le devoir d’envoyer leurs enfans à l’école libre. O intolérance ! s’écrie-t-on aussitôt. Pourquoi intolérance ? N’est-il pas naturel que les évêques, s’adressant aux catholiques, leur recommandent l’école chrétienne ? Mais, dit-on, ils condamnent l’autre. S’il la condamnent en effet dans son principe, combien de ménagemens n’y apportent-ils pas dans la pratique ? Ils exemptent les pères de famille de l’obligation générale qu’ils ont énoncée, s’il doit en résulter « un grave inconvénient » pour eux ou pour leurs enfans, et, un peu plus loin, ils ajoutent en termes encore plus formels : « L’Église tolère qu’on fréquente l’école neutre, quand il y a des motifs sérieux de le faire. » Si c’est là de l’intolérance, c’est de l’intolérance tempérée. En réalité, les évêques demandent que l’école neutre soit vraiment neutre, et que l’enseignement qui y est donné par les leçons du maître ou par les livres qu’il met entre les mains des enfans ne porte aucune atteinte aux croyances religieuses. Voilà ce que dit leur Lettre, rien de plus, rien de moins.

Nous ne saurions trouver que ce soit trop exiger, puisque c’est ce que nous ne cessons de demander nous-mêmes. Les évêques n’ont garde de généraliser ; cependant, ils disent que, dans beaucoup d’écoles,