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le monopole qu’on veut aujourd’hui rétablir comme une garantie de pacification. La pacification a été le résultat de la liberté de l’enseignement. Le jour où cette liberté a été limitée par la destruction des congrégations enseignantes et menacée dans son principe même, le combat a recommencé. Que M. Briand ne cherche pas ailleurs l’explication de ce qui se passe : elle est là.

Revenons à la vraie question : les livres dénoncés par l’épiscopat sont-ils répréhensibles ? Nous avouons ne les avoir pas lus, mais un journal s’est chargé vaillamment de cette tâche, et ce journal n’est pas suspect, car c’est le Temps. Le Temps déplore, réprouve, condamne, foudroie la démarche des évêques ; il y met par momens une rudesse qui doit réjouir la Lanterne. Il n’en a pas moins étudié avec impartialité les livres dénoncés, et voici le jugement qu’il en porte ; nous nous ferions un reproche de ne pas citer textuellement : « Plusieurs nous ont paru faits de main d’ouvrier, exacts, mesurés, intéressans pour le jeune âge, éducatifs et respectueux à la fois de la tradition nationale comme de la conscience des enfans. Mais d’autres sont tendancieux jusqu’à l’intolérance… On connaît, en histoire, la manière. Elle consiste à faire dater la France de la Révolution et même de la Terreur, et même, en ces derniers temps, du bloc cher à M. Combes. Charlemagne et Louis XIV y sont traités de Turc à Maure ; Napoléon y marche de pair avec Bazaine. C’est la plus partiale polémique mise à la portée des enfans de douze ans. Ici, l’on fait une large part aux luttes de classes pour aboutir à la question du patronat. Ailleurs, on prononce que la « France a perdu l’espoir et le désir même de la revanche, » ou, avec un rare esprit d’à-propos, que « les prêtres manifestaient leur intolérance en rendant obligatoire le repos du dimanche. » Quand le texte ne suffit pas à cette besogne, on utilise la gravure. Tels cours de morale et de lecture sont aussi, comme ceux des bons Pères, soigneusement expurgés. On les a débarbouillés des mots : Dieu, âme, croix. Et il n’est pas jusqu’à je ne sais quelle grammaire (ô ingénieuse intrépidité des philologues ! ) dont une nouvelle édition ne remplace des croix des tombeaux par un paradigme plus excellemment rationnel : les feux des fourneaux. Car ce savoir et cette morale primaires, du moins dans les livres dont il s’agit, sont tout relatifs et en un continuel devenir. Tel qui avait fait un récit de la mort de Bayard et l’avait illustré d’une image, la supprime dans la suite, et laisse en vente les deux éditions, l’une pour les patriotes et la seconde pour les hervéistes. Un autre qui, sous un ministère pacifiste, raye à la fin de son ouvrage les mots : « Vive la France ! » modifie