Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
RÉVOLUTION FISCALE

C’est bien d’une Révolution qu’il s’agit. Un des principaux hommes d’Etat britanniques, lord Roseberry, ancien président d’un Cabinet libéral, n’a pas hésité à qualifier ainsi le projet de budget de M. Lloyd George. En France, l’impôt sur le revenu voté par la Chambre des députés et les droits de succession proposés au budget de 1910, par un ministre des Finances réputé, jadis, modéré, méritent la même qualification.

Les principes financiers établis par la Révolution française et qui ont dominé le XIXe siècle sont considérés comme caducs et abandonnés. La démocratie reprend à son compte le mot que le maréchal de Villeroy disait à Louis XV enfant : « Tout cela, sire, est à vous ! » Elle croit que, représentant ou censée représenter le peuple, tout lui appartient, qu’elle peut tout prendre, que les propriétés particulières, les successions n’existent que comme un don gratuit de sa part, toujours révocable, qu’elle se montre généreuse en en laissant quelque fraction aux intéressés. Elle tend à déplacer le poids de l’impôt pour en dégager de plus en plus la grande masse des citoyens et en écraser une élite réduite. L’argument irrésistible du ministre des Finances aujourd’hui, c’est que telle taxe ou telle surtaxe ne portera que sur un très petit nombre de contribuables : « Ils ne seront que 100 000 à en pâtir, ou même que 10 000 ; tous les autres seront exempts ; par conséquent la taxe ou la surtaxe est opportune et légitime : » voilà l’étrange langage qui, sur l’une et l’autre rive de la Manche, s’Etat e dans les projets de loi ou les