Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coupables, ou soi-disant tels, ont eu des juges, et si les mesures et les condamnations qui frappèrent quelques-uns d’entre eux ne furent que le douloureux résultat des passions qu’avait déchaînées une suite d’événemens aussi lamentables qu’extraordinaires, s’il est juste que la postérité et même la plupart des contemporains n’aient pas ratifié ces sentences, on n’en saurait méconnaître la légalité. De 1815, date de sa réorganisation par les Bourbons, à 1821, date de sa suppression complète et définitive, la police politique n’a été, à vrai dire, et sauf en des cas exceptionnels, qu’un instrument d’information.

Toutefois, même réduite à ce rôle, elle n’en resterait pas moins une chose odieuse et sans excuses, si, pour expliquer son maintien pendant quelques années, sinon pour le justifier, on ne tenait compte à Louis XVIII des difficultés qui se dressèrent devant lui, dès son second retour en France en 1815. Ce sont ces difficultés qui, à tort ou à raison, lui firent conserver, au moins provisoirement, l’institution que lui léguait l’Empire : grâce à elle, il pourrait lire dans le jeu des ennemis de sa couronne et de sa maison comme dans celui des étrangers et de ces trop dangereux amis, anciens émigrés et ultra-royalistes, qui, sous prétexte de consolider le pouvoir royal, entendaient lui imposer leurs exigences et en faire l’organe de leurs folles revendications. Contraint d’abord de subir leur joug, mais ne le subissant qu’avec impatience, il voulait connaître leurs projets. Lorsqu’il se fut libéré de leur fatale influence en prononçant, le 5 septembre 1816, la dissolution de la Chambre introuvable, il fut plus intéressé encore à pénétrer leurs intrigues, à conjurer leurs attaques, à déjouer leurs menaces.

Il ne l’était pas moins à savoir ce que pensaient de son gouvernement les grandes puissances de l’Europe et s’il était vrai, comme le prétendaient les orateurs et les journaux de l’ultra-royalisme, qu’elles vissent avec regret les tendances libérales de ses ministres, l’appui qu’il leur donnait et sa ferme volonté de rester le fidèle et loyal observateur de la Charte. Ainsi s’explique le maintien de la police politique pendant une partie de son règne. Le rôle qu’elle joue peut être comparé à celui d’une agence secrète de renseignemens. Une étude sur cette police est le complément nécessaire d’une histoire de ces années troublées par la lutte violente qui s’engage, dès 1814, entre le parti de la Révolution et celui des émigrés et recommence avec plus d’âpreté