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découvertes et de dénonciations futiles ou calomnieuses, c’est qu’on soit parvenu à réunir assez d’agens pour suffire à cette immense besogne. Il est vrai qu’on les recrute un peu à la diable et au hasard, soit qu’ils viennent s’offrir spontanément, soit qu’ils se laissent séduire et corrompre. Aussi, en est-il qu’on tient en suspicion, tout en utilisant leurs services et qui, chargés d’espionner, sont surveillés à leur insu. Les renseignemens qu’ils donnent ne sont pas acceptés sans contrôle. Mais on le leur laisse ignorer, parce que, même quand on les soupçonne d’erreur ou de mensonge, il y a toujours quelque chose d’utile à tirer de leurs rapports


II

Ce n’est pas seulement par les agens que la police est informée des bruits plus ou moins sensationnels qui circulent à l’étranger ; elle l’est aussi par les ambassadeurs de France à qui, pour ce qui concerne certains personnages et certains faits, les gouvernemens auprès desquels ils sont accrédités, ne ménagent pas les communications utiles. A tout instant, de 1815 à 1818, le duc de Richelieu transmet au ministre de la Police les lettres confidentielles de ses représentans à Londres et à Vienne, ayant trait à Napoléon et aux individus que l’on croit être restés en relations avec lui. Quelques-unes de ces lettres, qui ne figurent pas dans la correspondance officielle, sont encore aujourd’hui intéressantes à lire, ne serait-ce que parce qu’elles démontrent à quel point les allées et venues des parens et des partisans de l’Empereur préoccupaient alors les gouvernemens européens.

Le 26 janvier 1817, le comte de Caraman, notre ambassadeur en Autriche, écrit au président du Conseil :

« Vous avez été instruit depuis longtemps, mon cher Richelieu, du mouvement que nous observions depuis qu’Eugène et Mme Hortense étaient en rapports. Le résultat des derniers renseignemens indiquait que le prince Eugène avait appelé près de lui un certain Mussitz, père de celui qui devait être chargé d’aller à Rome pour vendre des possessions qu’Eugène veut réaliser. Ce Mussitz est venu de France et a apporté des lettres qui ont été si bien reçues qu’elles lui ont valu une gratification de vingt-cinq louis. Mussitz a un fils à Vienne à qui il écrit un billet, daté d’Augsbourg, le 15 de ce mois, annonçant qu’il part