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En dépit des préventions dont s’inspiraient ces rapports, et encore qu’à Paris on n’interprétât pas de la même manière que leur auteur les faits qu’il signalait, on crut nécessaire de s’assurer aussi positivement que possible de leur plus ou moins d’exactitude en ce qui touchait les dispositions du Duc d’Orléans. Le gouvernement recourut pour cela aux bons offices de deux personnages qui se vantaient d’être en possession de la confiance du prince. L’un était ce membre de la Chambre des communes auquel il a été fait allusion plus haut ; l’autre était un général récemment mis à la retraite. Du premier, nous n’avons rien à dire ; en étudiant ses relations avec la police, on peut se convaincre qu’il ne joua jamais qu’un rôle assez effacé. Mais il n’en va pas de même du second et, sans qu’il y ait lieu de le désigner par son nom, il mérite de retenir un moment l’attention.

Né noble, et néanmoins soldat de la Révolution, honorablement marié, son dossier conservé au Dépôt de la Guerre le signale comme ayant de beaux états de service, mais constate en même temps qu’il en a perdu le profit par son inconduite et les désordres de sa vie privée. Déjà, en 1813, il est déconsidéré, sans emploi, et les réclamations de ses créanciers achèvent de le faire mal noter au ministère de la Guerre. Il obtient cependant un commandement en province. Mais il est obligé d’avouer qu’il n’a pas le sou et ne peut rejoindre son poste : « Depuis deux mois, je n’ai pu exister qu’en vendant peu à peu mes effets. » Cet aveu lui attire de dures remontrances du ministre : « Je vous rappelle que des officiers qui ont tout perdu dans la dernière campagne sont néanmoins partis. Si vous ne partez pas, je me verrai obligé de vous rayer du tableau des généraux en activité. » Irrité par cette menace, il proteste : « Monseigneur, c’est pousser un homme d’honneur à la dernière extrémité et faire perdre à l’Empereur un sujet qui méritait un meilleur traitement. Je me regarde en ce moment comme dépouillé de mon grade et de ma décoration si Votre Excellence ne me met pas en mesure de pouvoir servir. »

Néanmoins, ce n’est qu’en 1814, au début de la Restauration, qu’il est replacé, ayant trouvé moyen de se faire recommander par le Duc d’Angoulême ; ce qui ne l’empêche pas, au retour de l’île d’Elbe, de se rallier bruyamment à l’Empereur. Il demande à être nommé général de division, à être envoyé aux Colonies ; commandeur de la Légion d’honneur, il voudrait être