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que les phénomènes (vitaux) se rattachent à des manifestations physicochimiques, ce qui est vrai, la question, dans son essence, n’est pas éclaircie pour cela. Car ce n’est pas une rencontre fortuite de phénomènes physicochimiques qui construit chaque être sur un plan et suivant un dessin fixes et prévus d’avance et suscite l’admirable subordination et l’harmonieux concert des actes de la vie. Il y a, dans le corps animé, un arrangement, une sorte d’ordonnance que l’on ne saurait laisser dans l’ombre parce qu’elle est véritablement le trait le plus saillant des êtres vivans… en sorte que si, considéré isolément, chaque phénomène de l’économie est tributaire des forces générales de la nature, pris dans ses rapports avec les autres, il révèle un lien général, il semble dirigé par quelque guide invisible dans la route qu’il suit et amené dans la place qu’il occupe. »

Voilà l’opinion du plus grand physiologiste du XIXe siècle : la biologie est bien une science à part ; elle a pour objet l’étude des êtres vivans, l’évolution vitale, leur idée directrice, leur lien spécial… Cela n’appartient ni à la physique, ni à la chimie.

C’est donc toujours la vieille formule traditionnelle que l’on connaît depuis Hippocrate : consensus unus…, soigneusement maintenue et toujours enseignée dans notre vieille École montpelliéraine, au milieu des sarcasmes et des quolibets des autres écoles, des philosophes et des médecins[1].

On peut bien ajouter que tous les travaux récens n’ont fait que confirmer cette doctrine ; ils l’ont même développée et précisée.

Car, de l’ensemble magnifique des travaux, dont Pasteur a été l’initiateur glorieux, est sortie la démonstration d’une nouvelle caractéristique de la vie, caractéristique qui est tout à fait de premier plan.

C’est la propriété que j’ai proposé d’appeler d’un seul mot : l’antixénisme ou fonction antixénique, c’est-à-dire la lutte contre l’étranger.


« Être, c’est lutter, a dit M. Le Dantec ; vivre, c’est vaincre. » « Chacune des espèces successives que décrivent la paléontologie

  1. Broussais parlait des « tristes suppôts de la vieille école de Montpellier » et accusait Barthez de reporter la médecine « dans les nues. » Le système sanguinaire de Broussais est oublié depuis longtemps… pour le plus grand bien des malades, et la doctrine vitaliste de Barthez et de l’École de Montpellier réapparaît, tous les jours plus scientifiquement défendable.