Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/652

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précipitera et agglutinera les microbes de la fièvre typhoïde (bacilles d’Eberth) : c’est le sérodiagnostic de MM. Max Gruber et Widal.

Cette fonction du sérum est inséparable de la fonction des leucocytes, qui sécrètent l’anticorps en présence de l’étranger ; et non seulement ces leucocytes combattent ainsi, par divers moyens, l’ennemi qui vient s’exposer à leurs coups ; mais encore, dans certains cas, ils se portent en quelque sorte au-devant de l’envahisseur pour lui livrer bataille.

Dans les régions où il se produit une irritation microbienne, traumatique ou autre, les leucocytes affluent, traversent les parois des capillaires et combattent. S’ils sont battus et tués par les toxines microbiennes, ils forment le pus (les globules de pus sont des leucocytes ayant subi la dégénérescence graisseuse) ; s’ils l’emportent au contraire, ils se répandent à la surface de la plaie et contribuent à la formation de la cicatrice. Ils se comportent vraiment, dans le sang et dans les tissus, comme de véritables petits organismes analogues aux amibes ; seulement, tous leurs actes de vie locale sont coordonnés, dirigés et gouvernés par l’idée directrice générale de l’individu et de sa défense antixénique.

La bataille que je viens de décrire est générale ; elle se passe dans le sang et dans les tissus de tous nos organes.

Mais il y a des organes qui prennent spécialement une part plus active à la défense des points particuliers de l’organisme où la lutte est plus chaude et où les moyens de défense sont plus accumulés et plus efficaces.

J’ai déjà parlé des ganglions lymphatiques ; il faut aussi nommer le foie, qui remporte, à lui tout seul, beaucoup de victoires partielles : il faut soixante-quatre fois plus de bacilles charbonneux pour tuer un lapin si ces bacilles passent par le foie que s’ils évitent cet organe (Roger).

On comprend ainsi pourquoi beaucoup de poisons sont moins dangereux quand on les ingère par le tube digestif (passage par le foie) que quand on les injecte sous la peau (sans passage par le foie).


Quand enfin la victoire de l’organisme est définitive, les débris des envahisseurs vaincus sont « boutés dehors » par les émonctoires, spécialement par le rein, dans cet acte solennel de la crise que les anciens avaient si bien étudié.