Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être identifiés aux phénomènes physicochimiques et la biologie doit être distinguée de la physicochimie.

Je ferai remarquer, en terminant, que je suis resté constamment sur le seul terrain scientifique sans aborder le terrain philosophique sur lequel je ne me serais reconnu ni solidité, ni compétence et je tiens bien à faire reconnaître que la question scientifique du vitalisme est différente de la question philosophique.

Le « point de vue de la philosophie, » dit M. Bergson, est « tout autre » que celui « de la science. »

Rien ne démontre mieux la vérité de ce principe que la lecture même du beau livre dans lequel M. Bergson a étudié « l’évolution créatrice. »

Au point de vue scientifique, l’éminent philosophe développe des idées très analogues à celles qui ont été exposées dans cet article. Il admet notamment et analyse le double caractère indiqué plus haut de la mobilité dans la fixité et de la complexité dans l’unité.

« Le corps vivant, dit-il, a été isolé et clos par la nature elle-même. Il se compose de parties hétérogènes qui se complètent les unes les autres. Il accomplit des fonctions diverses qui s’impliquent les unes les autres. C’est un individu et d’aucun autre objet, pas même du cristal, on ne peut en dire autant, puisqu’un cristal n’a ni hétérogénéité de parties, ni diversité de fonctions. » Il développe les raisons qui l’empêchent « d’assimiler l’être vivant, système clos par la nature, aux systèmes que notre science isole. » Il admet un « élan originel de la vie, passant d’une génération de germes à la génération suivante de germes par l’intermédiaire des organismes développés qui forment entre les germes le trait d’union… La vie est tendance, et l’essence d’une tendance est de se développer, en forme de gerbe, créant, par le seul fait de sa croissance, des directions divergentes entre lesquelles se partagera son élan… » Il montre « chaque génération penchée sur celle qui la suivra… L’être vivant est surtout un lieu de passage, et l’essentiel de la vie tient dans le mouvement qui la transmet… »

Ceci suffit pour montrer qu’il n’y a pas de divergence sensible au point de vue scientifique, entre les idées de M. Bergson et la thèse développée dans cet article. Mais la partie la plus importante de l’évolution créatrice a trait au point de vue philosophique, et là, nous ne suivrons pas l’auteur ; et ne discuterons pas la finalité et le mécanisme, la signification de la vie…