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faculté, etc. Toute explication des phénomènes naturels ne peut en indiquer que la cause expérimentale. Expliquer un phénomène se réduit toujours à faire voir que les faits qu’il présente se suivent dans un ordre analogue à l’ordre de succession d’autres faits qui sont plus familiers et qui, dès lors, semblent être plus connus… Dans toute science naturelle, les hypothèses qui ne sont pas déduites des faits propres à cette science et qui ne sont que des conjectures sur les affections possibles d’une cause occulte, doivent être regardées comme contraires à la bonne méthode de philosopher. »

Voilà en quelque sorte la profession de foi du vitalisme de Barthez ; c’est le nôtre.

Ainsi compris, le vitalisme est une doctrine positive, biologique, laissant intacte et en dehors toute discussion métaphysique. Si les mots faculté, principe, force, sont parfois employés, c’est pour la commodité du langage, mais dans un sens indéterminé, non comme la désignation ontologique d’une cause occulte.

On peut rapprocher de ce passage de Barthez la phrase suivante de Claude Bernard : « L’obscure notion de cause doit être reportée à l’origine des choses… Elle doit faire place, dans la science, à la notion du rapport[1] et des conditions. Le déterminisme fixe les conditions des phénomènes… »

Voilà le vitalisme vrai, celui dont j’ai pu dire que le XIXe siècle l’avait conduit, de sa forme philosophique et synthétique personnifiée par Barthez et par Bichat, à sa forme expérimentale et analytique personnifiée par Laennec, Claude Bernard et Pasteur.

Dr  Grasset.


  1. Dans un grand discours sur le principe vital (1792), Barthez dit : « La meilleure manière de philosopher, celle du moins qui peut être pour l’esprit un exercice utile, consiste à omettre l’essence des choses et à débattre les liens et les rapports des phénomènes. »