Il y a, semble-t-il, dans l’histoire de nos ministères successifs, quelque chose de permanent, ou du moins quelque chose qui se renouvelle dans des conditions analogues. Le ministère Clemenceau, dès le lendemain de sa formation, a été en butte aux attaques des radicaux, qui ont essayé de le renverser et qui, ayant échoué dans leurs tentatives, ont fini par se soumettre en rongeant leur frein. Il en est de même pour son successeur. Bien accueilli par le pays, M. Briand l’a été assez mal par la Chambre, et on s’est demandé s’il résisterait aux premiers assauts qui lui seraient livrés. Les conspirateurs qui travaillaient contre lui étaient les mêmes radicaux et socialistes avec lesquels M. Clemenceau s’était déjà trouvé aux prises. Il a essayé de les désarmer en prenant, à leur profit, la défense du scrutin d’arrondissement, et il y a réussi dans une certaine mesure. Cependant les défiances persistaient. Une coalition d’intérêts menacés s’était formée, et ses ramifications s’étendaient très loin, à travers les partis les plus variés. On avait préparé des motions qui avaient pour objet de repousser en bloc, sans même les discuter, sous la forme dédaigneuse d’une sorte de question préalable, les impôts nouveaux demandés par M. le ministre des Finances pour mettre le budget en équilibre. Le gouvernement aurait abdiqué toute dignité s’il avait accepté un vote de ce genre ; aussi était-il résolu à en demander le rejet et à poser la question de confiance. C’est là-dessus qu’on espérait le renverser.
M. Cochery avait eu pourtant ce qu’on appelle une bonne presse, lorsque, pendant les vacances, il avait établi, d’accord avec la Commission compétente, les bases du budget de l’année prochaine. On avait rendu justice à la probité d’esprit et au courage moral avec lesquels il avait mis le pays en face de la réalité budgétaire,