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ans, avait maintenu la règle de pauvreté. A l’époque de Law, un bourgeois richissime, qui avait sa sœur parmi, les religieuses, avait voulu absolument leur assurer une fondation territoriale. Sur leur refus obstiné, il avait fait entrer par le tour dans la maison la somme respectable de cent mille écus. Ce trésor, qui aurait ébloui des yeux moins tournés vers le ciel, n’eut pas le temps de s’installer et dut repartir rapidement pour se disperser sur les œuvres de la ville et du diocèse. Avec un pareil état d’esprit, on comprend que ces religieuses aient été appelées dans le langage populaire les pauvres Clarisses. Certes, ce n’est pas le procès-verbal dressé par les enquêteurs de 1790 qui peut faire mentir cette appellation. A Rouen, on signale dans leurs cellules « une paillasse, deux couvertures, plus un réveil » pour l’office de nuit ; au réfectoire des cuillers et fourchettes en bois. Le mobilier des Carmélites n’est pas plus riche. Constatation du procès-verbal : dans les trente-trois cellules, un lit formé de trois planches sur deux tréteaux, deux couvertures, une petite table, trois tableaux en papier ; au réfectoire, « meubles de bois et en terre. »

Combien d’autres couvens, sans présenter le dépouillement complet de ces Ordres particulièrement austères, vivaient pauvrement ! Quand on étudie, en particulier, le budget de misère des Sœurs enseignantes dans les petites villes et dans les campagnes, on est frappé des prodiges d’économie et d’industrie qu’il leur faut accomplir pour arriver à donner l’instruction sans presque rien demander aux familles qui leur envoient leurs enfans.

Elles pensent que le res angusta domi, que leur dénuement les défendront peut-être contre les appétits d’une assemblée qui, quoi qu’elle en dise, songe plus, en supprimant les couvens, à remplir sa caisse vide qu’à libérer des esclaves. Elles savent, elles ont entendu dire par des orateurs de la Constituante que la fortune des ordres monastiques sera la grande cause de leur perte. Alors elles exposent la véritable situation qui, pour beaucoup de religieuses, est la pauvreté. Les Sœurs de Notre-Dame établies à Saint-Léonard près Limoges le disent nettement. « Notre maison, écrivent-elles à la Constituante, ne peut enrichir l’État. Elle ne possède aucun bien fonds. Tout notre revenu est celui de nos dots ; il est modique, puisque, nos charges payées, il ne nous reste que 2 677 francs pour nourrir et entretenir cinquante-huit religieuses. Elle ne peut l’appauvrir, puisque le