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les exemples de courage que vous auriez dû recevoir d’eux, et que votre cœur n’a point failli, la main du Seigneur vous a confortées, et vous serez bénies dans tous les siècles de l’Église.


VII

L’esprit de destruction qui vient de s’acharner contre les religieux, les religieuses, et les a dispersés sans pitié sur tous les chemins du siècle, s’attaque déjà aux maisons qui les ont abrités. Les édifices qui échapperont à la ruine passeront à des services séculiers. Aujourd’hui même, après plus de cent ans, on montre à chaque pas dans les villes, jusque dans les campagnes, les bâtimens d’anciens couvens où l’Etat, les communes se sont installés. Ministères, préfectures, mairies, bibliothèques, collèges, écoles, casernes, prisons, granges, que sais-je ? voilà ce que sont devenus ces monumens élevés pour la prière. Les profanes y sont entrés gaiement, gratuitement, les trouvant bons à prendre, dédaigneux de la foi qui les avait suscités, mais exigeant que toutes ces constructions de religieux et religieuses, dont on ne voulait plus pour le soin des âmes, servissent du moins à abriter les corps.

L’énumération d’anciennes abbayes, d’anciens couvens sécularisés, serait plus longue, si le marteau démolisseur ne s’était chargé, sous la Révolution, d’en diminuer le nombre. On n’avait pas attendu les derniers décrets d’expulsion générale votés par la Législative pour commencer la pillerie des maisons religieuses, surtout des monastères réguliers généralement plus riches. Les histoires locales nous montrent de divers côtés les paysans avides se ruant à la curée, abattant les arbres, renversant les bornes, entrant dans l’intérieur par les portes ouvertes et ressortant les mains pleines. Les administrations s’emparent de ce qui a échappé au pillage. Les meubles sont vendus à vil prix, les calices, l’argenterie, envoyés à la Monnaie, les cloches affectées aux fonderies de canons, les livres attribués aux bibliothèques publiques. Dans plusieurs villes, comme à Rouen, les tableaux devaient constituer le fonds le plus précieux du musée provincial. La déprédation ne s’exerce pas seulement dans les grands monastères, et c’est aussi dans les couvens plus modestes des communautés régulières ou séculières, où la piété, le goût, un art nulle part plus inventif, plus ingénieux qu’en France,