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Tu chantes aussi, toi, belle eau vive, et tu ris ;
Tes maux anciens sont-ils guéris
Par une espérance divine ?
Le fier laurier qui fut Daphné fleurit vermeil
Quand le soleil
Vers lui s’incline.

Écho dans les rochers, Syrinx dans les roseaux,
Entonnent avec les oiseaux
Un hymne de jeune allégresse ;
La saison vient où les amantes d’autrefois
Trouvent des voix
Pleines d’ivresse.

Les vœux déçus sont transformés en frais parfums,
En brume les regrets défunts,
Les lèvres closes en corolles ;
Ce sont partout soupirs ardens, furtifs frissons,
Folles chansons,
Tendres paroles.

Et moi, lorsque l’amour profond, silencieux,
Qui n’a resplendi qu’en mes yeux,
Dans l’ombre m’aura consumée,
Serai-je cygne blanc, source aux limpides pleurs,
Rosier en fleurs,
Vaine fumée ?

Palpiterai-je encor d’un mal délicieux,
M’exhalerai-je vers les cieux,
Grain d’encens ou goutte de baume ?
Près de celui qui me fut cher, reviendra-t-il
Errer subtil,
Mon doux fantôme ?

Comme un souffle, un arôme, un rayon passager,
Pourrai-je fuir d’un vol léger
Vers lui, sans mériter nul blâme,
Et sur sa bouche harmonieuse enfin poser
Dans un baiser
Toute mon âme ?


VEGA.