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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/940

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moulins à vent. Dans ces invincibles champions de l’air il reconnaîtrait les siens, et, loin de combattre ces nouveaux Chevaliers de la Blanche Lune, immobile sur la pauvre Rossinante, et dressé, la lance en suspens, telum imbelle sine ictu, il envierait leur sort ; il les regarderait monter dans l’azur, à jamais inconsolable de n’avoir pas pu prendre son essor avant eux. Car de tous les rêves fous qu’il rêva, aucun ne fut aussi fou, — et ce rêve est devenu une réalité.

Avant de lire le récit de leurs exploits, il est juste de se souvenir des siens ; on doit un salut à ce paladin d’un autre âge, mais dont la jeunesse est éternelle comme la fleur du génie. Don Quichotte[1]offre un thème inépuisable d’inspirations pittoresques à la fantaisie de l’artiste. Nous ne pouvons que répéter, pour ce nouveau volume, les éloges qui s’adressaient au premier et redire ce que nous avons déjà dit de cette édition de luxe et des deux cent soixante compositions de Daniel Vierge, qui font revivre à nos yeux les aventures du Chevalier de la Triste-Figure, les scènes les plus piquantes et les paysages les plus pittoresques, si colorés et si vivans, de ce livre immortel qui résume tout ce que l’Espagne du XVIe siècle eut d’excellent et tout son cycle héroïque.

Ceux qui, l’autre soir, à la Sorbonne, ont entendu sir E. H. Shackleton raconter lui-même, au prix de quelles fatigues, de quelle endurance et de quelles épreuves, il parvint à moins de quarante-cinq lieues du Pôle Sud, avec trois de ses compagnons du Nimrod, n’oublieront jamais cet émouvant exposé, fait avec tant de naturel dans un langage si simple et relevé d’une pointe d’humour. Le bel ouvrage qu’édite la librairie Hachette contenant le journal détaillé de cette expédition Au Cœur de l’Antarctique[2], est de ceux qu’on lira avec passion. Lorsque sir E. II. Shackleton eut combiné tous ses plans avec le plus grand soin et d’après l’expérience qu’il avait acquise, soit au cours du voyage de la Discovery, soit dans l’organisation des expéditions de secours du Terra Nova, du Morning et de celle qui a été envoyée par l’Argentine à la recherche de Nordenskjöld, le Nimrod, un vieux « phoquier » de Terre-Neuve, partit de Cowes, le 7 août 1907, avec la mission composée de douze membres. Après une traversée de 29 600 kilomètres, le Nimrod mouillait à Lyttelton le 23 novembre, et, le 1er janvier, quinze poneys de Chine, douze chiens, des moutons embarqués, il se mettait en route vers la Terre du Roi Edouard, naviguant dans la mer de Ross, comme dans les canaux d’une Venise de glace au milieu d’une succession

  1. Hachette.
  2. Hachette.