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pas devant la Commission, le gouvernement se rappelle qu’il n’est en somme responsable que devant la Chambre. N’en est-il pas de même en Italie ? M. Giolitti est-il vraiment parti devant l’opposition accidentelle d’une commission financière ? Non : sa chute a des causes plus anciennes et plus sérieuses. L’usure de son gouvernement s’était déjà manifestée avant les vacances. Les conventions qu’il avait préparées avec les compagnies de navigation avaient rencontré des difficultés à peu près inextricables. Le gouvernement dispose d’une vingtaine de millions qu’il attribue à une compagnie chargée de pourvoir en retour aux services postaux. La compagnie pourvue était Navigazione generale, à laquelle, à l’expiration de son contrat, le gouvernement a voulu substituer le Lloyd Sabaudo. La première a son centre à Palerme et à Naples, la seconde a le sien à Gênes : on aperçoit tout de suite le conflit des intérêts régionaux, et on sait combien les conflits de ce genre sont vifs en Italie. Le déchaînement a été tel contre le ministère, auquel on reprochait de n’avoir pas procédé par les systèmes de l’adjudication, que M. Giolitti a retiré son projet. Au mois d’octobre dernier, la subvention a été mise au concours, mais le résultat n’a pas été plus satisfaisant : les sociétés de navigation ayant formé plusieurs groupes, les armateurs du Midi se sont trouvés adjudicataires des lignes du Nord, tandis que les armateurs du Nord l’étaient des lignes du Midi ; le mécontentement au lieu de diminuer, a augmenté. A l’ouverture de la session, M. Giolitti, qui le sentait gronder autour de lui, a cherché une diversion : il a déposé des projets financiers imprévus, dont l’un diminuait de 40 millions les droits d’entrée sur le sucre et l’autre établissait un impôt progressif sur les revenus supérieurs à 5 000 francs. De pareils projets, par le temps qui court, ne dénotent pas une grande originalité d’invention. Il est douteux que M. Giolitti y ait vu pour lui un moyen de salut, bien que les journaux qui le soutenaient aient dit tout de suite qu’il y avait eu là, de sa part, un trait de génie qui lui ramènerait tout le monde. Son but semble avoir été plutôt d’embarrasser son successeur. L’opposition contre ses projets a été très ardente : elle s’est manifestée par la nomination de la Commission dont nous avons parlé. Aussitôt M. Giolitti a remis sa démission au Roi qui l’a acceptée et a fait appeler M. Sonnino dont le nom était déjà sur toutes les lèvres.

En dépit de cette désignation quasi universelle, M. Sonnino a eu beaucoup de peine à constituer son ministère : on s’est même demandé un moment s’il y parviendrait. M. Giolitti conservait dans la Chambre un groupe important sur le concours duquel on ne pouvait pas