proprement corporatif, celle des Cabochiens, en revanche, fut avant tout l’œuvre d’une corporation, la plus puissante de toutes, la corporation des bouchers : ses deux chefs principaux, Simon Caboche et Denys de Chaumont, étaient deux écorcheurs (1412-1413). Et c’est pourquoi, c’est pour cette raison ou pour une raison toute pareille, qu’il fut prescrit au prévôt de faire démolir la Grande-Boucherie, le 13 mai 1416, et que, le 22 août, le Roi abolit, pour la seconde fois, la communauté qui y avait son siège. Mais il est vrai également que la Grande-Boucherie fut relevée, et, pour la seconde fois aussi, la communauté rétablie par les Bourguignons victorieux en août 1418. Un autre fait émerge encore de la masse, une autre ou plutôt deux autres séries de faits, dont l’importance ne devait se montrer tout entière que beaucoup plus tard : et ce sont des faits complémentaires, quoiqu’en apparence contradictoires. D’abord, la formation d’une espèce d’aristocratie professionnelle, phénomène analogue à celui qui, à Florence, produisit la distinction des métiers en arts majeurs et arts mineurs. À cette date, 1431, et dans une circonstance mémorable, l’entrée du roi Henri VI d’Angleterre, apparaissent publiquement pour la première fois ce qu’on appela les six corps : drapiers, épiciers, changeurs, orfèvres, merciers, pelletiers[1]. Ensuite, ou en même temps (et même dès le XIVe siècle, — exemples de 1325, de 1358), s’esquisse une ébauche du compagnonnage, se dessine, vaguement, mais non imperceptiblement, la formation d’une organisation ouvrière, extérieure à la corporation et en opposition avec cette dernière. C’est, comme diraient les sociologues, un essai de différenciation ; est-ce une première manifestation de vie de la classe ouvrière ? dans le métier, les ouvriers se séparent, ou plutôt se groupent, en face des maîtres, à l’état séparé. Et il ne manque pas de signes que, bien auparavant, ils ont déjà conscience, parfois une conscience aiguë et exaspérée, de la solidarité de leurs intérêts. A Rouen, en 1285, on refuse la concession d’une place pout « eux alouer » aux compagnons tisserands. Autrefois, on en convient, ils se réunissaient auprès d’une maison nommée Damiette. Mais, depuis plus de cinquante ans (et cela nous reporte au-delà de 1235), cet emplacement leur avait été retiré, « car ils tirent compilacions, taquehans, mauvaises montées et
- ↑ Les changeurs furent, dans la suite, remplacés par les bouchers. Voyez l’ordonnance de 1625. — D’après Et. Martin Saint-Léon.