Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rubens, que par cette puissance de coloris qu’il tient des Vénitiens ?

Il est très intéressant de voir comment Velazquez se rattache intimement à l’école italienne, sans toutefois appartenir à l’école bolonaise. Velazquez est un maître qui ne peut se comprendre que par l’influence des Lombards et des Vénitiens. La révélation de son génie lui vint lorsqu’il vit les peintures de Rubens et lorsque à Madrid il put étudier les plus admirables chefs-d’œuvre italiens réunis par Charles-Quint. Plus tard il connut personnellement Rubens à Madrid et il parcourut une première fois l’Italie, visitant Venise, Rome et Naples où il fit la connaissance de Ribeira dont les œuvres firent sur lui une si grande impression. Il fait un second voyage d’Italie, en 1648 ; il voit Parme, il découvre le Corrège et ce fut la suprême influence qui mit le comble à son génie.

Velazquez résume toutes les recherches italiennes, non pas dans l’art de penser et de composer, mais dans l’art de peindre. Il n’a rien pris à Raphaël, à Michel-Ange ou aux Carrache, mais il poursuit tout ce qu’avaient cherché le Titien et le Corrège. Dans l’étude qui nous occupe, il est intéressant de voir comment les circonstances au milieu desquelles il a vécu ont fait de lui une exception dans le monde chrétien du XVIIe siècle. Les rois d’Espagne, au service desquels il passa toute sa vie, ne lui demandèrent que des portraits. Velazquez enfermé à la Cour de Madrid est un peintre de Cour, un aristocrate, indifférent au mouvement démocratique qui entraîne son siècle. Et il vit triste près de l’Escurial, quand l’Europe tout entière s’emplit de joie.

En Espagne, l’homme du XVIIe siècle c’est Murillo, l’homme qui, vivant en dehors de la Cour, a senti battre dans ses veines l’âme du peuple. Ce que voulait l’école bolonaise, ce que voulaient le Guide et le Dominiquin, nous le trouvons chez Murillo qui sut mettre dans ses œuvres toute la tendresse, toute la sensibilité du christianisme de cette époque. Et comment isoler Rembrandt, comment ne pas le rapprocher des maîtres européens du XVIIe siècle, tous animés des mêmes pensées ! Que ce soit dans l’Italie catholique, que ce soit dans les Pays-Bas protestans, la religion est alors au premier plan dans les préoccupations des esprits : si l’on veut, pour employer un mot plus général, je dirai non pas la religion, mais l’humanité. Nous sommes loin de ces artistes de la