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Mazzini, conjurer ce péril : donnez-moi un million et deux mille fusils, et je marche sur Rome. » Bismarck alors de faire répondre : « Prouvez-moi qu’entre la France et l’Italie l’accord existe, et je traite avec vous, aux dépens de Pie IX. » Mazzini ne pouvait apporter aucune preuve expresse, mais il n’était pas, en Italie, le seul révolutionnaire qui mît espoir dans la Prusse. Au 1er janvier 1868, peu après Montana, notre ambassadeur Sartiges reçut une photographie du tableau de Clasen : La garde au Rhin ; il y lut ce vers ajouté par une mystérieuse main :


Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor ;


et l’envoi était fait au nom des morts de Mentana. Bismarck n’interdisait pas aux révolutionnaires italiens de compter sur lui comme sur un vengeur ; il ne s’engageait dans aucun sens ; s’il entendait bourdonner, dans les chancelleries, quelque projet de conférence européenne au sujet de la question romaine, il signifiait qu’en pareille affaire la Prusse protestante n’avait qu’à s’effacer passivement ; il laissait faire le temps, laissait échouer les agités, et gardait, à part lui, cette idée très nette, que, dans un avenir assez prochain, la Prusse devrait conclure « soit une alliance diplomatique avec l’Italie, soit une alliance stratégique avec le parti national italien. » L’idée d’ailleurs demeurait si secrète qu’à la même heure se formait, au Vatican, un petit groupe de prélats qui prêchaient la confiance dans la Prusse ; dès le mois de mars 1870, lorsque les Tuileries songèrent à retirer de Rome les troupes françaises, ils déclaraient allègrement que les Prussiens remplaceraient les Français à Civita-Vecchia.

La guerre franco-allemande survint : le retrait effectif de nos troupes exalta le zèle de ces prélats pour Berlin. Bismarck acceptait leurs sympathies, mais recherchait aussi celles de l’Italie : on dérangea Mommsen lui-même de ses travaux d’historien, pour le prier d’adresser à la Perseveranza et au Secolo deux lettres fiévreuses où l’Italie était mise en garde contre l’ambition de Napoléon III et invitée à se ranger du côté de la Prusse. Quelques semaines durant, il semble que la politique de Bismarck, courtisant au-delà des Alpes toutes les nuances d’opinion, parvint à les contenter toutes : on trouvait des vœux en faveur de l’Allemagne dans le journal l’Unità Cattolica, de