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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/286

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Londres le prince de Talleyrand, le vétéran puissant de la diplomatie. A Paris, le ministre des A flaires étrangères était le général Horace Sébastiani, que ses services avaient rendu célèbre pour avoir défendu, à Constantinople, le sultan Selim contre les Anglais en 1807.

Avant de faire parler le prince de Talleyrand et le Roi par leurs lettres confidentielles, voyons l’état d’esprit du ministère tout entier : « Quant à la Belgique, notre politique était simple et très arrêtée, écrit M. Guizot, nous étions résolus à la soutenir dans son indépendance et à n’y prétendre rien de plus. Point de réunion territoriale, point de prince français sur le trône belge. La France avait là un grand et pressant intérêt de dignité comme de sûreté à satisfaire, la substitution d’un Etat neutre et inoffensif à ce royaume des Pays-Bas, qui, en 1814, avait été fondé contre elle… » Et le roi Louis-Philippe n’avait-il pas dit, dans un entretien avec ce même ministre : « Les Pays-Bas ont toujours été la pierre d’achoppement de la paix en Europe ; aucune des grandes puissances ne peut, sans inquiétude et jalousie, les voir aux mains d’un autre. Qu’ils soient, du consentement général, un Etat indépendant et neutre et cet Etat deviendra la clef de voûte de l’ordre européen ? » Ce n’est pas à dire que le Roi n’ait pas envisagé, un moment, comme solution l’acceptation pour un de ses fils de la couronne de Belgique ; mais bien que la tentation fût forte, il a eu assez d’esprit politique, de bon sens et de maîtrise de lui-même pour y renoncer très résolument et tout de suite.

Le prince de Talleyrand, dont le style si pur, si net, si ferme avait déjà remporté de grandes victoires, en remporta une plus grande encore, à 76 ans, au profit de la paix européenne et de l’indépendance de la Belgique.

Voici quelques-unes de ses lettres au général Sébastiani.


Londres, 13 décembre 1830.

Mon cher général, — Depuis longtemps je n’écris qu’au département ; aujourd’hui j’ai besoin d’écrire au ministre que j’aime quelques mots sur notre position extérieure, et sur lui-même.

Quelque chose que l’on vous dise, ou écrive, soyez sûr que vous ne verrez pas un seul soldat russe ou prussien sortir de sa frontière : c’est là mon opinion fixe. L’appel du roi des Pays-Bas ne sera pas écouté : je crois que ce sera avec peine de la part de