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Petits défauts ! J’en relève de plus graves qui proviennent de la routine et surtout de la nature Scandinave. Sous ces dehors de jeunesse, on devine une très vieille race lente à se mouvoir. L’organisation d’Upsal m’a souvent donné l’impression d’un grand gaspillage de forces. « O Upsal, s’écrie l’auteur d’un roman de mœurs upsaliennes, le romancier Geijerstam, ô Upsal, que d’énergies vainement usées, que de misère, pendant que tes chanteurs et tes orateurs officiels célèbrent le printemps et clament « qu’aucune tempête n’est encore dans leurs cœurs ! »… Upsal, tu portes la responsabilité de générations dévoyées !… » Il y a un peu de vrai sous ces exagérations emphatiques. Les Nations, les fameuses Nations où se groupent les étudians d’une même province, ne sont aujourd’hui que de coûteux anachronismes. Jadis, quand on cheminait, à petites journées, les étudians, qui se rendaient à Upsal ou qui en revenaient aux vacances, se prenaient en passant, descendaient les uns chez les autres, s’éprouvaient dans l’intimité du voyage. Ils composaient réellement une famille d’esprits solidaires, une corporation qui avait son honneur. Il était naturel alors qu’une maison les réunît aux heures de loisir et que la Nation cautionnât moralement chacun de ses membres. Son comité exerçait une surveillance jalouse sur leur conduite privée ; et, comme, aux yeux de l’Université, l’étudiant n’a point d’existence légale en dehors de sa Nation, celui que ses camarades avaient rayé s’en retournait cacher sa flétrissure au fond de sa province. Maintenant on s’est relâché de cette vigilance inquisitoriale que l’austérité protestante favorisait dans les milieux fermés. Je crois que la caution morale de la Nation ne reste obligatoire qu’aux examens de théologie. On n’oserait même pas chasser un étudiant pour ces histoires de femme qui naguère encore le marquaient d’infamie. Les jeunes gens, qu’ils viennent du Vermland, de la Dalécarlie, de l’Ostrogothie ou du Norrland, ne se connaissent guère. Le chemin de fer a mis entre eux plus d’espace que leurs anciennes solitudes. Ce ne sont que des étrangers qui se rassemblent à certains jours sous une bannière d’un intérêt très archaïque.

Mais, à mesure que la Nation perdait de sa valeur sociale, l’esprit traditionaliste en masquait l’utilité décroissante sous un extérieur plus pompeux. La vieille maison d’étudians, dont