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de la méthode historique, sur l’appréciation de la valeur des documens écrits.

« Il y faut le choix, dit M. Frédéric Masson, dans un remarquable article sur Albert Sorel, il y faut la critique, et quelle critique ! Non pas tant celle qui porte sur l’authenticité matérielle des pièces, ce qui s’apprend n’importe où, que celle qui porte sur leur authenticité morale, celle qui est de tact, d’usage, de flair, celle qui fait l’historien. Voici qu’on sort d’archives privées ou publiques, un journal, des mémoires, même des suites de lettres. Papier, encre, écriture, tout est du temps. Mais si, en ce temps, tout fut combiné pour fausser l’histoire ? « Dans l’instruction de ce grand procès que fait perpétuellement l’histoire, il y a, dit Sorel, comme dans les procédures les plus minces, les faux témoins, les témoins abusés, les témoins à mémoire rétive et confuse, les témoins à mémoire complaisante ou trop claire, enfin les témoins bavards et brouillons, qui font la foule. » Voilà ce qu’il faut démêler et ce qui est le don. Au premier coup, on peut juger sur ce qui est de cela, un historien nouveau. »

Éliminant de mon étude le commentaire des travaux relatifs à la critique du témoignage dans la méthode historique, je me limiterai au domaine pratique de mon activité et de ma compétence professionnelles, et j’exposerai les enseignemens de la Psychologie clinique et expérimentale, applicables à l’instruction judiciaire et à la médecine légale.

J’invoquerai donc tout d’abord les observations et les conclusions des médecins-légistes les plus autorisés de notre pays, sur la valeur du témoignage ; je rappellerai ensuite brièvement, dans leurs méthodes et leurs résultats, les travaux, si nombreux et si intéressans, consacrés, dans ces dernières années, en France, en Allemagne et en Suisse, à la psychologie expérimentale du témoignage. Je joindrai à la série de ces faits la notion générale d’un mémoire sur le mensonge et la fabulation morbides, que j’ai publié sous le titre de Mythomanie[1]. Ce rappel de la Mythomanie servira de transition naturelle, pour passer de l’étude du témoignage normal à celle du témoignage pathologique, considéré chez les anormaux et les aliénés. Enfin, je terminerai cette étude d’ensemble du témoignage par les

  1. E. Dupré, La Mythomanie, étude sur le mensonge et la fabulation morbides — Bulletin médical, février-mars 1905.