Après avoir signalé les heureux résultats de l’exercice professionnel de l’observation constatés, à l’ancienne Ecole pénitentiaire, sur les élèves invités à la reconnaissance d’un sujet, d’après la méthode du portrait-parlé, de Bertillon, M. G. Granier[1] conclut à l’avantage de l’exercice de la faculté d’observation dans un sens déterminé, et démontre la supériorité des résultats d’un enseignement raisonné, comparé aux effets d’une plus grande culture générale.
On voit immédiatement quel grand intérêt pédagogique il y aurait à cultiver par un entraînement méthodique les aptitudes des enfans au témoignage. Ces exercices seraient plus utiles que ceux par lesquels on s’évertue au contraire à développer leur imagination aux dépens de leur esprit d’observation.
Cette culture de l’esprit d’observation, Guy de Maupassant en a merveilleusement montré la nécessité et la méthode, dans la préface de Pierre et Jean. Au cours de cette profession de foi littéraire, l’illustre écrivain, invoquant les préceptes de Flaubert, rappelle les conseils de son maître, en une page adressée à ceux qui se destinent au roman, mais qu’on peut citer ici comme l’exposé modèle de la méthode d’éducation du témoignage :
« Il s’agit de regarder tout ce qu’on veut exprimer, assez longtemps et avec assez d’attention pour en découvrir un aspect qui n’ait été vu et dit par personne. Il y a, dans tout, de l’inexploré, parce que nous sommes habitués à ne nous servir de nos yeux qu’avec le souvenir de ce qu’on a pensé avant nous sur ce que nous contemplons. La moindre chose contient un peu d’inconnu. Trouvons-le. Pour décrire un feu qui flambe et un arbre dans une plaine, demeurons en face de ce feu et de cet arbre, jusqu’à ce qu’ils ne ressemblent plus, pour nous, à aucun autre arbre et à aucun autre feu.
« C’est de cette façon qu’on devient original.
« Ayant en outre posé cette vérité qu’il n’y a pas, de par le monde entier, deux grains de sable, deux mouches, deux mains ou deux nez absolument pareils, il (Flaubert) me forçait à exprimer, en quelques phrases, un être ou un objet, de manière à le particulariser nettement, à le distinguer de tous les autres objets de même race ou de même espèce.
— « Quand vous passez, me disait-il, devant un épicier assis
- ↑ G. Granier, Aveu et Témoignage. Critique de la Preuve orale. Journal, du Ministère public, 1906.