Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

manifestation de la place Vendôme a eu un navrant résultat. Le colonel Tiby et M. Baude, ingénieur, frère du diplomate, y ont trouvé la mort. Cependant, on ne paraît pas fort empressé de se battre, de part et d’autre. L’énergie est singulièrement affaiblie dans ce pays ; on ne songe qu’aux satisfactions matérielles immédiates ; on n’a même pas la prévoyance, que comporte le souci raisonné de ses intérêts. Les insurgés ne songent qu’à gobelotter et jouer au soldat ; les amis de l’ordre et les défenseurs de la propriété sont d’une mollesse extrême. Ces bons Parisiens voudraient que la province vînt les délivrer, et la province dit avec raison : « Vous vous êtes mis dans cette triste position, tirez-vous-en maintenant ! » Donc, nous sommes aux mains des Prussiens de l’intérieur ; l’Hôtel de Ville est toujours formidablement barricadé ; on ne rencontre que des bataillons de Belleville, de Montmartre, de Charonne et de Montrouge, et des bandes garibaldiennes. Ce sont les grandes compagnies du Moyen Âge, moins un Duguesclin. C’est cependant, dit-on, sa patrie qui est la plus disposée à marcher : les Bretons s’arment. On parle de concessions ; mais, lorsqu’on lit, dans le Journal Officiel, le programme de la Commune, on reconnaît que ce que réclament les insurgés, ce n’est ni plus ni moins que la démagogie révolutionnaire en permanence. Les élus devront être constamment surveillés par le peuple, le mandat impératif fournira le prétexte à des émeutes continuelles et les agitateurs seront sans cesse à l’œuvre. Et voilà ce que les ouvriers appellent la République ! Ils ne veulent que celle-là : toute autre est pour eux synonyme de monarchie. Lyon est aussi au pouvoir du prolétariat et, si cela dure à Paris, vous verrez que, par l’audace des meneurs, quelque autre grande ville tombera en leur pouvoir : Saint-Étienne, Marseille, Limoges ou Toulouse.

À la gare de l’Est, où j’étais allé conduire A…, il était navrant d’entendre des personnes s’applaudir de ce que les Prussiens fussent encore à Meaux, parce que, du moins, on avait la tranquillité.

Voilà où nous ont conduits les folies des Parisiens et l’imprévoyance d’hommes politiques, qui s’imaginaient que leur seule présence aux affaires arrangerait tout. C’est, de tous côtés, la même légèreté et la même absence d’esprit politique.

Qu’attendre d’une assemblée divisée ? Il est tout naturel que les excès de Paris rejettent plus que jamais les hommes, qui