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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/383

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n’a fait jusqu’ici aucune perquisition, ni réquisition aux Archives. Notre quartier est calme ; on n’entend même pas, pendant le jour, le canon et la fusillade. Nous sommes donc parmi les favorisés.

Beaucoup de journaux, opposés à la Commune, sont interdits ; on ne peut avoir de renseignemens sérieux que par un petit nombre : le Siècle, le Bien Public, la France, le Petit Moniteur. Mais les rédacteurs de ces feuilles ont été menacés d’arrestation. Les Halles commencent à être beaucoup moins fournies que les jours précédens ; nous revenons au triste temps du siège… L’homme est ainsi fait qu’on s’habitue à tout, même à ces émotions violentes. Pauvre Paris ! Quelle terrible leçon il reçoit en ce moment ! Mais la crise est trop forte pour pouvoir durer. On ne saurait combattre indéfiniment, quoique l’animation soit forte des deux côtés. Dans notre quartier on n’a pas relevé les barricades et l’on circule librement jusqu’au Palais-Royal et aux grands boulevards. On a, jusqu’à présent, du pain sans difficulté. L’action se concentre dans le quartier des Champs-Elysées, où a lieu la principale attaque des troupes de Versailles.


Paris, 15 avril 1871. — Je suis toujours seul ici, m’attendant avec résignation à tout ce qui peut m’advenir… Tu sais, par les journaux, dans quelle affreuse situation est Paris… Les arrestations arbitraires se sont tellement multipliées, qu’on s’attend, d’un instant à l’autre, à être arrêté. Plusieurs de nos amis n’y ont échappé que par la fuite ; on a aussi cherché à se soustraire à la levée des hommes de dix-sept à quarante ans. Il ne me reste plus qu’une dizaine d’employés ; plusieurs de nos garçons de bureau ont aussi fui. Mais je dois rester à mon poste, tant qu’on ne m’aura pas relevé de mes fonctions, je dois donner l’exemple de l’observation du devoir.

Charles C*** a été arrêté par un des graisseurs de chemin de fer du Nord, devenu commissaire de police ; il a été heureusement relâché. Une foule de prêtres sont en prison, plusieurs églises fermées, des maisons religieuses fermées et rançonnées. Toute résistance est paralysée. Les fédérés ont une sorte d’organisation et à leur tête quelques chefs qui ne sont pas dépourvus d’aptitude militaire. La lutte peut se prolonger encore et les ruines devenir effroyables. Des affiches blanches, c’est-à-dire