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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/386

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haute paye et des vivres en abondance et qu’une fois la Commune tombée, ils n’ont plus que la misère en perspective. Ce sont les journées de juin 1848 sur une grande échelle.


Extrait du Journal de M. Maury.

L’Imprimerie nationale et le Jardin des Plantes avaient reçu de la Commune de nouveaux directeurs. Je m’étonnais et m’applaudissais tout à la fois de voir qu’elle eût oublié les Archives. Cependant, le jour de l’Ascension, comme j’observais le matin ce qui se passait dans nos cours, le concierge vint me prévenir qu’un envoyé de la Commune demandait à me parler. Je me doutai que ce devait être le citoyen B. Gastineau, ancien journaliste et homme de lettres, que le gouvernement insurrectionnel avait chargé d’inspecter les bibliothèques. Mon confrère Léon Renier, demeuré comme moi à Paris, m’avait rapporté, le vendredi précédent, qu’il avait reçu sa visite à la Sorbonne et qu’il lui avait fait l’effet d’un homme inoffensif. J’aimais mieux avoir affaire à un tel individu qu’à l’un de ces ridicules imitateurs des représentans du peuple en mission, qui se donnaient des airs dictatoriaux et farouches.

Je me décidai donc à recevoir ce personnage et allai au-devant de lui. Je me trouvai en présence d’un petit homme, coiffé d’un képi, et vêtu de la vareuse, uniforme des Communards. Le citoyen Gastineau me présenta un papier assez sale, timbré de la Commune et attestant les pouvoirs dont il était investi comme dellegué (sic) de l’Instruction publique. Je lui répondis que j’étais prêt à lui montrer l’établissement dont j’étais le directeur et qui, malgré les événemens, n’avait pas cessé d’être ouvert au public. Je le promenai d’abord dans les bureaux en répondant aux questions qu’il m’adressait sur les papiers politiques que nous pouvions posséder.

Comprenant le danger de ces questions, je lui fis remarquer que nos documens avaient surtout un caractère historique et, pour lui en donner la preuve, je lui proposai de le conduire dans nos dépôts. Comme il semblait médiocrement enclin à cette visite, alléguant le peu de temps dont il disposait, je lui dis que le n’avais pas l’intention de le mener dans toutes nos salles et