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de Madame Margot serait plutôt un certain manque d’artifice. Cette fois il fallait une intrigue menée grand train, des situations se renouvelant de scène en scène, et de ces ressorts qui, au bon moment, font rebondir l’action, bref les procédés où excellaient Dumas père et Sardou. Or il est visible que les auteurs se sont ici peu souciés du mouvement, et leur pièce, au dialogue copieusement farci d’archaïsmes et d’expressions gaillardes, n’avance qu’avec lenteur.

Un prologue, à Usson, en Auvergne, où Madame Margot, autrement dit Marguerite de Valois, exilée pour ses incartades conjugales, réside et s’ennuie. Quelques années se passent. Henri IV a épousé Marie de Médicis, mais héberge au Louvre sa maîtresse : Henriette d’Entragues. La conséquence de cette vie en commun, ce sont entre l’épouse et la maîtresse de continuelles disputes. Les enfans s’en mêlent et prenant parti, chacun pour sa mère, se chamaillent et se battent. Car Henri IV fait élever pêle-mêle le dauphin et les enfans nés de ses maîtresses, de l’ancienne et de la nouvelle, de Gabrielle d’Estrées et de Henriette d’Entragues. Bonhomme, ainsi que le veut la légende, le roi s’occupe à apaiser de son mieux ces criailleries ; ç’a été pour l’auteur une occasion de mettre à la scène l’anecdote populaire : Henri IV recevant l’ambassadeur d’Espagne, avec deux bambins juchés à califourchon sur son dos.

Cet acte confine plutôt au vaudeville ; le suivant nous jette en plein mélodrame. Mme Margot… Mais vous n’attendez pas que je vous conte ces choses. Elles y perdraient. Et vous perdriez à ne pas aller voir Mme Réjane. Le rôle de Mme Margot était fait pour elle ; elle s’y est montrée malicieuse à souhait et a su mettre en valeur tout ce qu’il y a de verdeur dans le langage de cette reine sans façon ou sans gêne. M. Garry a composé le personnage d’un truculent Henri IV chez qui la bonhomie cavalière n’exclut pas la majesté. Mme Suzanne Avril est une amusante Marie de Médicis. M. Signoret a curieusement dessiné la silhouette du Père Cotton, confesseur du Roi, qui ne joue qu’un rôle épisodique et M. Castillon a campé un pittoresque Concini. N’oublions pas Mlle Mary Schiffner qui danse si gentiment la pavane et s’est fait beaucoup applaudir.


RENE DOUMIC.