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« Je ne puis t’exprimer tous les chagrins que j’ai eus de la peur d’être nommée surintendante de la maison de l’Impératrice. Mais je n’ai pu m’y décider parce qu’il m’aurait fallu rester pendant deux ans absente de Naples et privée du plaisir de te voir ainsi que mes enfans. L’Empereur me faisait les plus belles et les plus aimables propositions, et son intention était d’élever tellement cette place qu’elle n’aurait pas été au-dessous du titre de reine. Il ne la créait que pour moi et elle n’aurait plus existé après moi. Son intention était d’en faire, par un sénatus-consulte, une charge de grand dignitaire, et en qualité de surintendante, j’aurais eu le pas sur les reines d’Espagne et de Hollande. Tu vois que l’Empereur voulait faire une chose bien aimable pour moi, mais l’éloignement où j’aurais été de ma famille me causait trop de peine, et sans offenser l’Empereur qui a toujours une bonté parfaite pour moi, je suis parvenue à le voir oublier ce projet, parce qu’il s’est aperçu que cela me faisait trop de peine. L’intention de l’Empereur, en me fixant pendant deux ans auprès de la nouvelle Impératrice, était de la faire diriger comme il le désire et d’empêcher une foule de personnes qui pensent mal de l’environner et de lui montrer leurs mauvais sentimens. L’Empereur veut que j’aille jusqu’à Braunau à la rencontre de l’Impératrice. Ce sera un voyage un peu fatigant, mais l’Empereur met tant de grâce dans ses prières, il est si bon pour nous, que je ne puis lui refuser ce qu’il regarde comme un grand service. Car, parmi les personnes qui doivent aller à la rencontre de l’Impératrice, il ne peut être bien sûr que de moi, et il désire surtout qu’elle ne prenne aucune mauvaise impression. Le jour où mon départ sera décidé, je t’enverrai un courrier…

« M. Gueheneuc[1]vient d’être nommé sénateur. Le jour de mon départ n’est pas encore fixé, je t’en informerai. J’ai cru de ma dignité de demander à voyager dans mes voitures et à être suivie de mon service napolitain, et cela m’a été accordé. Je voyagerai seule avec ma cour, je reviendrai avec l’Impératrice et ma cour suivra. Adieu, mon ami, je t’embrasse. »

  1. Père de la duchesse de Montebello.