Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répugnance » qu’il conseille de voter pour les Unionistes. Son attitude indécise, le discours par lequel il a conseillé aux Lords de voter le budget lui ont enlevé, me dit-on, quelque autorité, malgré le grand talent oratoire que tout le monde lui reconnaît. Sa lettre qui se ressent de ses perplexités, ne me paraît pas de nature à produire grand effet. La lutte est trop vivement engagée pour qu’il soit possible de tenir une situation intermédiaire.

Et cependant l’Angleterre est-elle réellement agitée, jusque dans les couches profondes de sa population, comme elle l’a été à quelques momens de son histoire ? Ce qui se passe n’est-il pas plutôt une querelle entre hommes politiques, à laquelle les masses populaires demeurent, au fond assez indifférentes ? Je serais assez porté à le croire d’après mon impression du premier jour, et voici, sauf à en changer, ce qui me donne cette impression.

Le meetingM. Asquith doit prendre la parole n’a lieu que ce soir à huit heures. Pour occuper mon après-midi, on m’a proposé d’assister à une réunion beaucoup moins importante, mais d’aspect assez original. Dans l’hôtel où je suis descendu, type du petit hôtel de province, du family hôtel anglais, il y a deux députés sortans qui sollicitent le renouvellement de leur mandat. Ils appartiennent au parti libéral. Par une exception assez rare, la circonscription de Bath nomme deux députés. Tous deux ont convoqué aujourd’hui à deux heures une réunion qui doit être composée uniquement de Railway men, Bath étant le siège d’un dépôt assez important de la compagnie du Great Western. Ils m’ont proposé de me joindre à eux. Je n’ai eu garde de refuser.

La réunion se tient dans un des ateliers du dépôt. Aucune déclaration préalable, aucune formalité légale, comme en France. La plupart des meetings se tiennent en plein air. Assiste qui veut, et la meilleure preuve, c’est que non seulement je peux y entrer, mais qu’on me fait monter sur l’estrade réservée aux candidats, à laquelle on accède par une petite échelle. L’estrade, qui est tout simplement la plate-forme d’un wagon de marchandises, est recouverte d’un modeste tapis. Quatre chaises y sont disposées : une pour le chairman, deux pour les candidats, la quatrième pour moi, et personne ne paraît étonné de ma présence.

Après quelques mots du chairman qui était revêtu d’un